Notre vie quotidienne est faite de répétitions. Selon la recherche, au moins 40% de nos actions seraient répétés quotidiennement, dans un même contexte1. Certains travaux stipulent même que 95% de nos comportements seraient prévisibles et automatiques2. Ceci nous fait courir le risque de tomber dans une routine monotone si on n’y prend pas garde.
Bien sûr, ces automatismes sont utiles puisqu’ils nous permettent d’effectuer des actions complexes sans trop d’efforts. On dispose alors de plus de temps pour se consacrer à des problèmes plus élaborés. Mais quand cela devient l’essentiel de notre quotidien, le danger pour notre santé mentale est réel. À long terme c’est même un facteur de déclin cognitif évident. Alors, comment sortir de ce train-train ? Comment sortir de sa « zone de confort » sans tomber dans l’extrême inverse ?
Les différentes zones comportementales
Avant de répondre à ces questions, il faut commencer par bien faire la distinction entre les 3 grandes zones qui permettent de classer nos comportements. Il s’agit de la zone de confort, de la zone de croissance, et de la zone de danger.
Zone de confort
La première zone dite de « confort » est un état psychologique dans lequel les choses nous sont familières. On est à l’aise, en contrôle de l’environnement, et le stress est au plus bas. Grâce aux automatismes et aux routines d’action, on fournit des performances stables, sans sensation de risque3.
Plus qu’un lieu de stagnation, comme on le sous-entend souvent dans le domaine du développement personnel, cette zone est donc surtout un lieu de régularité et de fiabilité des performances. Quand on « s’y trouve », on est sûr de pouvoir produire le résultat attendu, on est « en maîtrise ». Deuxième avantage, le faible niveau de stress de cet espace psychologique. Cette zone a donc une vertu apaisante et revigorante.
Zone de croissance
C’est le lieu des opportunités, des apprentissages et des performances non automatisées. Quel que soit notre âge, nous conservons notre capacité à apprendre, à transformer notre physique, à maîtriser de nouvelles compétences via la zone de croissance.
C’est aussi dans cet espace que se déroule l’expérience de flux. Appelée également “flow” ou “expérience optimale”, ce phénomène correspond à des moments où nous sommes pleinement absorbés par une activité stimulante pour laquelle nous devons pleinement solliciter nos compétences.
Si on utilise le rapport entre compétences et défi pour définir la zone de croissance, on constate que deux leviers peuvent nous y amener :
- Une mobilisation volontaire afin d’apprendre et de faire progresser des compétences encore limitées ;
- Une mobilisation provoquée par l’environnement qui nous force à relever des défis.
Qu’il s’agisse de pratique délibérée, de découvertes, ou d’apprentissage informel, toutes ces activités prennent place en zone de croissance. Si vous devez faire des efforts, vous concentrer et prêter attention à ce qui se passe autour de vous de manière prolongée, vous sortez nécessairement de votre zone de confort. Il faut néanmoins toujours veiller à ne pas pousser le curseur trop loin ou trop longtemps pour ne pas se retrouver en zone de danger4.
Zone de danger
Dernier espace psychologique à explorer, la zone de danger doit rester autant que possible un lieu réservé à des circonstances exceptionnelles. Pour la plupart des gens, des activités comme le saut en parachute ou à l’élastique, même dans des conditions de sécurité optimale, se situent dans cette zone.
Bien sûr, à risques élevés, récompense élevée. Une réussite en zone de danger peut ainsi avoir des effets positifs très importants. Si on arrive à agir et à “tenir le coup”, la transformation psychologique qui en résulte peut être extrêmement forte et positive. Néanmoins, la probabilité de sortir « par le haut » de ces situations est plutôt mince. L’abandon ou l’échec sont beaucoup plus fréquents. Et dans ces cas-là, on risque de renforcer l’état d’esprit fixe et la résignation, tout en dégradant sentiment d’efficacité personnelle. Néanmoins, il peut être intéressant, à l’occasion, et pour des domaines où vous avez déjà fait des progrès depuis quelques temps, de vous aventurer aux confins de votre zone de croissance (sans pour autant passer en zone de danger).
Pourquoi sortir de la zone de confort ?
« Sortir de sa zone de confort » est une phrase qu’on lit souvent dans des articles de blog, des livres de développement personnel ou des articles sur LinkedIn. Au-delà des slogans, il est vrai que le fait de prendre des risques mesurés présente un certain nombre d’avantages scientifiquement mesurables.
1. Bonheur
Tout d’abord, cela est important pour notre bonheur. Pour lutter contre l’adaptation hédonique, il faut régulièrement découvrir de nouvelles choses, développer ou approfondir des centres d’intérêt et des compétences. L’adaptation hédonique correspond au fait que l’on finit toujours par revenir à un niveau neutre de bonheur après un événement positif. Par ailleurs, le fait d’attiser sa curiosité et de stimuler son sentiment d’efficacité personnelle passe aussi par le fait de dépasser des difficultés ou des situations stressantes. Alterner intelligemment entre zone de confort et zone de croissance est donc une condition de l’épanouissement personnel.
2. Créativité
Par ailleurs, sortir de sa zone de confort permet de stimuler sa créativité et donc d’envisager de nouvelles solutions aux problèmes et aux défis que la vie viendra nous soumettre, que nous soyons prêts à les gérer ou non. En introduisant de la nouveauté et de l’inattendu, on alimente son imagination, on élargit le champ des possibles, on découvre de nouveaux points de vue, et on continue à mettre à jour de nouvelles façons de faire les choses.
3. Apprentissages
Enfin, s’aventurer en zone de croissance est nécessaire puisque c’est le seul “lieu” où il est possible d’apprendre réellement de nouvelles choses. Aujourd’hui plus que jamais, les changements technologiques et sociaux nous sortent malgré nous de notre zone de confort. Plutôt que de subir cette situation, et donc d’être dans un état où le stress sera plus important, voire contreproductif, il est important de reprendre les commandes et s’inscrivant dans une démarche plus proactive de développement personnel.
Une base sur laquelle s’appuyer
La vie ne commence donc pas en dehors de la zone de confort, comme certains aiment à l’écrire. Néanmoins, elle ne s’y limite pas. La zone de confort est un socle, une base sur laquelle s’appuyer. Mais tout comme votre logement ne doit pas être le lieu où vous passez l’intégralité de vos journées, toute l’année, pour être en bonne santé mentale et physique, votre zone de confort ne doit pas être votre seul lieu de « résidence » psychologique. La vie prend en réalité tout son sens lorsqu’on navigue régulièrement et de façon maîtrisée entre les différentes zones psychologiques. Mais je vous l’accorde, cela fait un moins bon titre d’article.
Naviguer entre les différentes zones
Maintenant que nous avons une vision plus claire de ces trois zones, on peut se demander à quel point il est nécessaire de passer du temps dans chacune d’entre elles. En condensé, on peut affirmer ceci :
- La zone de confort constitue nécessairement la plus grosse proportion de nos activités. Cela est nécessaire pour bien fonctionner au quotidien et assurer toutes les responsabilités qui nous incombent.
- La zone de croissance doit quant à elle constituer l’essentiel du temps restant, et nécessite d’être sans cesse renouvelée dans ses contenus. En effet, à force de pratiquer un comportement, on développe une compétence, et on étend sa zone de confort au détriment de la zone de croissance. L’avantage est qu’il est alors possible de pousser son exploration un peu plus loin.
- Enfin, si s’aventurer à la limite de la zone de danger peut à l’occasion être intéressant, cela doit tout de même rester exceptionnel et maîtrisé. Le mise en danger pure et simple est par contre plutôt à éviter.
Sortir de la zone de confort
Le passage de la zone de confort à la zone de croissance peut parfois sembler difficile, et nécessiter un bon dosage en termes d’effort et de prise de risques. La zone de confort est certes un lieu très utile et agréable, mais cela ne suffit pas à gérer les situations imprévues. En sortir régulièrement permet ainsi de bénéficier de l’effet mobilisateur du « bon » stress. Il faut simplement veiller à ne pas dépasser un seuil qui dégraderait trop nos performances.
En zone de confort, on n’éprouve pas de stress et les compétences sont parfaitement maîtrisées. Pour en sortir, il faut donc agir sur le niveau de stress ou sur les compétences utilisées. Ainsi, pour passer de la zone de confort à la zone de croissance, il va falloir augmenter le niveau de stress jusqu’à un certain point, au-delà duquel il deviendra contre-productif. Il est également possible de s’exposer à des tâches pour lesquelles les compétences ne sont pas encore parfaitement acquises. Avec le bon dosage, cela boostera la motivation. Néanmoins, quand la réussite est parfaitement hors de portée, ou au contraire tout à fait certaine et facile d’accès, la motivation finira par s’effondrer4. N’hésitez donc pas à expérimenter pour trouver à quel endroit placer le curseur.
Comment procéder ?
1. Délimiter sa zone de confort
Pour commencer, il est essentiel de délimiter sa zone de confort actuelle. Afin de savoir ce qui relève de notre zone de confort et dans quel domaine on peut l’étendre, il peut être utile d’identifier les sources de stress, les défis quotidiens et les objectifs qui constituent notre paysage personnel. On peut ensuite les classer en deux catégories :
- Les choses que l’on contrôle
- Les éléments qu’on ne maîtrise pas.
Ainsi, on peut clairement déterminer les domaines dans lesquels nos efforts ont un réel impact. On identifie les sources de stress qui ne sont pas sous notre contrôle et dont il faut se débarrasser. Inutile de se faire du souci pour quelque chose qu’on ne peut absolument pas maîtriser.
Une fois qu’on a la liste des éléments sur lesquels on a un impact, il est possible de définir des objectifs qui vont nous amener dans notre zone de croissance. Pour engranger des victoires rapides, il suffit de fixer un objectif modeste, à la limite de la zone de confort, qu’on se sait capable de réaliser rapidement. En s’attaquant à un défi modeste à la fois, on observe directement l’influence de nos actions sur les résultats obtenus, ce qui augmente le sentiment d’efficacité personnelle. On étend alors sa zone de confort progressivement, sans prendre le risque de s’aventurer en zone de danger.
2. Rechercher la nouveauté
Pour ne pas vous sentir enfermé(e) dans des routines mais plutôt libéré(e) par les automatismes qui vous facilitent la vie, vous pouvez aussi chercher à introduire régulièrement de nouvelles activités ou découvertes dans votre vie. Cela peut passer par le simple visionnage de reportages sur des sujets que vous ne maîtrisez pas, la lecture de livres ou encore d’articles. Vous pouvez également tester de nouvelles activités et chercher à rencontrer régulièrement de nouvelles personnes, en ligne ou via des événements. Confrontez-vous aux idées nouvelles ou différentes des vôtres. Voyager ou redécouvrir votre ville ou votre région est aussi une très bonne façon de vous aventurer en dehors de votre zone de confort, de sortir de vos habitudes et des sentiers battus. De simples petites actions ou découvertes régulières peuvent faire des miracles.
3. Relever un défi
Si vous avez toujours rêvé de réaliser une activité particulière, ou d’acquérir une compétence donnée, ne repoussez pas l’échéance. Planifiez intelligemment votre travail afin de ne pas vous aventurer en zone de danger, mais n’hésitez pas à commencer. Que vous ayez toujours souhaité courir un marathon, parler japonais ou écrire des romans, lancez-vous. Ce genre de défi d’importance pour vous peut avoir des effets significatifs sur le quotidien et l’épanouissement personnel. N’hésitez pas à mettre en place une pratique délibérée pour être sûr(e) d’avancer de façon efficace.
Conclusions
Que vous soyez dans une démarche d’apprentissage, de développement personnel ou de progression professionnelle, il est donc effectivement important de continuer à vous aventurer en zone de croissance. L’accès aux connaissances et aux nouvelles expériences n’ont jamais été aussi faciles aujourd’hui, et vous ne manquerez donc jamais de matière pour grandir.
Si votre environnement actuel vous le permet et que vous souhaitez développer une compétence voire une expertise, sachez que la manière la plus efficace de procéder consiste à introduire de nouveaux défis ou de nouvelles difficultés juste avant que les nouveaux comportements soient complètement automatisés. Ceci vous permettra d’étendre continuellement votre zone de confort, et limitera la stagnation.
Au final, l’objectif est de trouver le bon dosage de difficulté, afin de tenir vos objectifs et votre dynamique de croissance personnelle sur le long terme. Cherchez donc à identifier un niveau de difficulté gérable, hors de votre zone de confort, mais pas trop extrême afin de ne pas user votre volonté et votre motivation outre mesure. Seuls un nombre limité de projets centraux méritent de pousser le curseur plus loin.
Prenez donc le temps d’explorer de nouveaux horizons, mais aussi de vous ressourcer en zone de confort. Cet espace de performance et de relaxation doit pouvoir être apprécié à sa juste valeur, vu son rôle central dans notre quotidien. La vie ne commence pas en dehors de votre zone de confort, elle se construit grâce à elle, en l’étendant progressivement !
Références
- Wood, W. & Rünger, D. Psychology of Habit. Annu. Rev. Psychol. 67, 289–314 (2016).
- Baumeister, R. F., Bratslavsky, E., Muraven, M. & Tice, D. M. Ego depletion: is the active self a limited resource? J. Pers. Soc. Psychol. 74, 1252–1265 (1998).
- White, A. From comfort zone to performance management. (2009).
- Target, C. & Petitjean, I. La bible de la préparation mentale: la méthode Target : de la théorie à la pratique. (2016).
Merci d’être passé(e) sur le site et d’avoir pris le temps de lire cet article ! J’espère que vous l’avez apprécié.
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L’évolution de notre environnement professionnel, technologique, climatique nous pousse à sortir de notre zone de confort, vers une zone de croissance, parfois nous met en danger,auquel cas il est nécessaire de se rééquilibrer.Est ce que l’âge joue ?
Effectivement, l’environnement nous sort parfois de notre zone de confort, et plus largement de nos routines (dont certaines peuvent être en zone de croissance, dans le sens où elles demandent un effort conscient). Aujourd’hui, il est vrai qu’il est “risqué” de ne pas travailler régulièrement à l’extension de notre zone de confort, car c’est en se construisant un socle suffisamment large et solide qu’on peut “absorber” les mutations en cours, sans jamais être poussé à la limite de la zone de danger. On est plus que jamais obligé d’être proactif si on ne veut pas subir les changements. Quant à l’âge, il ne joue pas vraiment, c’est plutôt les années d’expérience qui peuvent devenir un “piège”. Schématiquement, une personne jeune… Voir plus »