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L’importance du sentiment d’efficacité personnelle

Image femme we can do it

Savoir faire les choses n’est pas toujours suffisant. Pour réussir, il faut faire preuve de motivation, afin de tenir la distance et d’atteindre ses objectifs.

Et pourtant, même en étant compétent(e) et motivé(e), il arrive qu’on échoue, tout simplement parce qu’on ne se sent pas capable, pas efficace. Ce sentiment, qu’on appelle auto-efficacité ou sentiment d’efficacité personnelle est une dimension cruciale de la réussite, souvent ignorée. Étant donné son impact significatif sur l’apprentissage et la performance, elle mérite qu’on s’y intéresse de plus près.

 

Qu’est-ce que le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) ?

Le sentiment d’efficacité personnelle (ou auto-efficacité) est une dimension identifiée par le psychologue canadien Albert Bandura à la fin des années 70. Pour lui, c’est “la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités”1. C’est donc la croyance d’un individu quant à sa capacité à réaliser une tâche, un apprentissage, un défi ou un changement avec succès. Se sentir efficace, c’est se croire capable d’exercer un contrôle sur les événements via plusieurs leviers :

  • Les ressources cognitives mobilisables/disponibles (raisonnement, mémorisation, attention, etc.)
  • La motivation (capacité à la mobiliser et à l’entretenir)
  • La mise en place d’un plan d’action (capacité à se fixer des objectifs et à s’auto-réguler pour les atteindre)

Pourquoi le SEP est-il important ?

Comme je l’ai souligné en introduction, être motivé et avoir les compétences requises n’est pas suffisant. Ce n’est pas parce qu’on est motivé que l’on passe nécessairement à l’action. Ce n’est pas non plus parce qu’on a les connaissances et les compétences adaptées à la situation qu’on réussira à les mobiliser. La recherche le montre façon répétée depuis plusieurs décennies, quel que soit le domaine ou l’âge de la population étudiée. Si on ne se pense pas capable de produire des résultats à travers nos actes, nous ne nous lançons pas. Ainsi, dans tout projet ou toute activité simple, le SEP joue un rôle crucial.

Pour résumer, on peut décrire les choses de la manière suivante :

  • Plus le SEP est élevé, plus on se croit capable de réaliser une tâche.
  • Plus le SEP est faible, moins on se croit capable de réaliser une tâche.

Mais tout ça n’est pas qu’une perception sans aucune conséquence mesurable. Il est aujourd’hui démontré que le SEP que l’on a vis-à-vis d’une tâche permet de prédire les performances d’un individu. Cela se vérifie tout autant chez les adultes dans le monde professionnel2 que chez les enfants3. Enfin, il est à souligner que cet effet est indépendant du niveau de compétence des personnes en question. Pour faire simple, si on a des compétences plus développées et un SEP faible on réussira moins bien que quelqu’un au SEP plus élevé, même s’il est moins compétent.

Quelques distinctions importantes

Si le sentiment d’efficacité personnelle est parfois difficile à appréhender, c’est parce qu’on le confond volontiers avec d’autres notions proches. Pourtant le SEP est une dimension psychologique a part entière, qui diffère des éléments suivants :

  • Motivation. On peut se sentir tout à fait capable de résoudre un problème donné, tout en étant plus motivé à consulter ses réseaux sociaux qu’à s’atteler directement à cette tâche. Le SEP et la motivation sont donc indépendants. Néanmoins, le sentiment d’efficacité personnelle contribue tout de même à la motivation car il permet – quand il est élevé – de se fixer un but, d’élaborer un plan d’action et de fournir les efforts pour parvenir à l’objectif visé.
  • Compétences. On peut objectivement être performant pour une tâche donnée, mais se sentir incapable de la réaliser lorsqu’on nous la présente comme très difficile.
  • Estime de soi. Le sentiment d’efficacité personnelle est un jugement sur une capacité, alors que l’estime de soi est un jugement de valeur global sur soi-même. On peut se sentir inefficace dans un domaine particulier sans perdre son estime de soi si on n’engage pas sa valeur personnelle dans ce domaine. On peut par exemple se sentir incapable de marcher sur les mains, sans que cela ait le moindre impact sur l’estime que l’on se porte.

Distinguer le SEP de la motivation, des compétences et de l’estime de soi n’est pas seulement important pour bien comprendre cette dimension. Cela permet également de voir que le SEP est un élément indépendant, et qu’on peut par conséquent agir spécifiquement sur celui-ci. Et c’est primordial, car il a une influence majeure sur nos comportements et sur les résultats que l’on obtient.

Le sentiment d’efficacité personnelle est spécifique

Comme l’ont notamment montré des études chez les enfants4, le sentiment d’efficacité personnelle est toujours spécifique à un domaine. On ne se sent jamais “capable” ou “efficace” d’une manière générale. On peut par exemple se sentir efficace en course à pied et pas en algèbre.

Le SEP n’est donc pas un trait global de personnalité. D’ailleurs, plus on cherche à mesurer un niveau général de SEP, moins on pourra prédire les performances. Ainsi, le sentiment d’efficacité personnelle en français écrit (général) permettra moins de prédire la qualité d’écriture d’un article de blog que le SEP (spécifique) relatif à l’écriture d’articles de blog.

 

Comment se construit (ou se déconstruit) le sentiment d’efficacité personnelle ?

Le SEP n’est pas une attente de résultat, c’est le fait de se sentir capable de produire un comportement que l’on pense approprié. Ainsi, on peut avoir un SEP élevé pour le tennis et se sentir capable de faire d’excellents services. Mais cela ne garantit pas de marquer le point systématiquement si l’adversaire est, lui aussi, excellent.

Cependant, les résultats sont tout de même très importants dans la construction ou la dégradation du SEP. En effet, le sentiment d’efficacité personnelle est un raisonnement sur l’activité. Quand on observe les résultats d’une action, on lui attribue des causes. Le SEP dépend donc plus de l’attribution des causes que du résultat en lui même, mais ces deux aspects sont liés.

Reprenons l’exemple de tout à l’heure. Si je pense que mon service a été réceptionné parce que mon adversaire est excellent, mon SEP ne va pas baisser. Par contre, si je pense qu’il a été réceptionné parce qu’il était mal exécuté, pas assez bien dosé, ou pour tout autre cause qui m’est imputable, alors mon SEP peut diminuer. Mais là encore, tout n’est pas si simple.

L’attribution des causes du résultat

Graphique 3D de l'attribution de causes aux résultats de nos actions
Le sentiment d’efficacité personnelle se construit en fonction des causes que l’on attribue aux résultats de nos actions

Quand on effectue une action, on interprète les résultats obtenus et on leur attribue des causes. La manière dont on le fait s’articule autour de 3 pôles (voir le schéma ci-contre) :

  • Stable/Instable. On peut penser que si on n’arrive pas à résoudre un problème de maths, c’est parce qu’on est nul en maths et que c’est quelque chose qui ne changera jamais (stable). À l’inverse, on peut penser que c’est parce qu’on était fatigué ce jour là (instable).
  • Globale/Spécifique. On peut penser qu’on n’a pas réussi son service au tennis parce qu’on est mauvais en sport (global), ou parce qu’on maîtrise mal la raquette de tennis (spécifique).
  • Interne/Externe. Il est possible de se dire qu’on a été embauché parmi plusieurs candidats parce qu’on a su être convaincant (interne) ou parce que personne ne voulait de ce poste (externe).

Les conséquences sur l’état d’esprit

Pour chaque situation, on attribue donc des causes à un résultat selon ces trois pôles, simultanément. Là ou un SEP faible peut vraiment être définitivement bloquant, c’est quand on pense que les choses sont stables, immuables. Et à force d’échecs répétés (peu importe les causes), on peut finir par avoir un SEP durablement bas. Si cela se généralise à plusieurs domaines, on arrive alors très vite à un état d’esprit fixe ainsi qu’à une résignation par rapport à ses propres capacités (on parle alors de résignation apprise).

L’état d’esprit est ici primordial, puisque si on conçoit la notion d’aptitude comme quelque chose que l’on peut acquérir, on aura un SEP plus résilient et on attribuera ses réussites à ses efforts et ses échecs à un manque de travail ou d’informations (état d’esprit de développement). À l’inverse, ceux qui voient l’aptitude comme quelque chose d’inné attribuent la réussite à une supériorité intellectuelle et l’échec à une incapacité (état d’esprit fixe). Dans ce cas, les échecs affectent plus fortement le SEP.

 

Développer son sentiment d’efficacité personnelle

Même si le SEP n’est pas quelque chose de global, il est intéressant de le développer autant que possible, dans tous les domaines qui comptent pour vous.

Mais pourquoi est-ce important ? Tout simplement parce que lorsqu’on a un sentiment d’efficacité personnelle élevé dans un domaine, les conséquences positives sont nombreuses :

  • On met en place des comportements auto-régulés dirigés vers un but. Avoir des objectifs précis est primordial, et être en capacité d’ajuster le tir au fur et à mesure est très important pour avancer dans un projet. Un SEP élevé représente un atout considérable pour développer ces capacités.
  • On persiste plus et on fait plus d’efforts. Il est alors possible de dépasser les moments difficiles plus facilement (moments où les risques de découragement sont importants).
  • Les réactions émotionnelles sont plus positives face aux obstacles rencontrés. On ne considère pas les difficultés comme des obstacles infranchissables, mais plutôt comme des défis à relever.
  • On ressent un plus grand bien-être et une plus grande sérénité dans l’effort.

Alors, comment développer le SEP ? Cela est possible grâce à 4 leviers d’action identifiés par la recherche scientifique.

Fusée décollage leviers du SEP

1. La performance

La performance ou l’expérience personnelle de la maîtrise, est, de manière assez évidente, la meilleure manière de construire son SEP pour une tâche donnée. Plus on accumule les expériences de réussite, plus on se sent efficace.

Néanmoins, il ne s’agit pas uniquement de grandes réalisations. On peut construire le SEP de manière progressive, de petites victoires en petites victoires. Ainsi, la meilleure manière de le développer via la performance est de découper la tâche ciblée en petits “morceaux”, articulés autour d’objectifs proximaux5. Ce type d’objectif est précis, concret, proche, facile à appréhender et permet d’avoir un feedback direct sur ses performances. Cela facilite l’évaluation des progrès.

2. La persuasion sociale

La persuasion sociale est un autre levier important pour développer le SEP. Il s’agit ici de commentaires sur les performances formulés par des personnes jugées importantes par l’individu. Pour faire simple, un enseignant, mentor ou ami plus expert que vous dans la tâche qui vous intéresse pourra vraiment vous aider à construire votre SEP. Pour que la persuasion sociale fonctionne, les retours sur vos performances doivent :

  • Être spécifiques, pertinents et réalistes. Il n’y a rien de pire que de s’entendre dire que ce qu’on a fait est génial quand on a conscience qu’on vient de faire quelque chose de simple et de basique. Il vaut mieux donner un feedback négatif mais constructif, que de vouloir être “gentil” à tout prix.
  • Venir de personnes qui ont une importance à vos yeux.

3. L’expérience vicariante

Une autre manière de construire votre SEP est l’observation d’autrui. On parle aussi d’expérience vicariante de la maîtrise. Il s’agit ici d’observer quelqu’un réaliser la tâche qui représente un défi pour vous. En voyant quelqu’un d’autre réussir, on se dit qu’on doit également être en mesure d’y arriver.

Bien sûr, j’ai beau regarder Usain Bolt courir, je sais que je n’arriverai pas à égaler ses performances, même en m’entraînant intelligemment et sans relâche. Pour que ce levier fonctionne, il faut que la personne que l’on observe en train de réussir nous ressemble. En fait, plus cette personne nous ressemble, plus l’effet de l’expérience vicariante est important.

4. Les états émotionnels et physiologiques

Le dernier levier pour développer le SEP est assez particulier, puisqu’il concerne l’interprétation de nos propres états émotionnels. Il ne s’agit ici pas de réprimer ses émotions, mais de comprendre que lorsque l’on est très excité ou anxieux (par exemple), nos réactions physiologiques sont les mêmes. Seule l’interprétation de ces dernières change.

Par exemple, des tremblements ou des palpitations cardiaques au cours d’une activité jugée stressante peuvent être interprétés comme des signes de vulnérabilité et d’incompétence chez l’individu1. Chez quelqu’un d’autre, cela sera vécu comme de l’excitation vis-à-vis d’un défi captivant. L’interprétation de ces états génère ainsi des émotions différentes qui ont de sérieuses conséquences sur le SEP.

Plus précisément, un niveau de stress important associé au sentiment de perte de contrôle favorise le développement de faibles croyances d’efficacité personnelle6. À l’inverse, le fait d’éprouver du plaisir au cours d’une activité donnée permet le développement d’un sentiment d’efficacité personnelle élevé tout en augmentant la motivation à renouveler cette expérience.

Le fait d’être dans de bonnes conditions émotionnelles est ainsi très important pour construire le SEP et s’attaquer à des tâches difficiles.

 

Conclusions

Le sentiment d’efficacité personnelle ou SEP est une dimension méconnue, et pourtant très importante pour la réussite et l’épanouissement personnel. Au cours de nos années d’école, nous avons tous construit ou déconstruit notre sentiment d’efficacité vis-à-vis de certains domaines. Qui n’a jamais entendu quelqu’un lui dire qu’il était nul en maths ou qu’il n’était pas “doué” pour les langues ?

Petit à petit on développe un SEP pour toutes les tâches et tous les domaines auxquels nous sommes confrontés. Si ne pas se sentir efficace dans certains domaines n’a pas de conséquences majeures, dans d’autres cela peut aller jusqu’à dégrader durablement l’estime de soi.

Heureusement, le SEP peut se travailler dans tous les domaines et à tout âge ! J’espère que cet article vous aura montré le rôle central de cette dimension et vous aura donné quelques pistes pour vous sentir plus efficace dans un domaine qui vous tient à cœur ou qui est central dans vos projets actuels. Et n’oubliez pas : il n’est jamais trop tard pour apprendre et progresser !

 

Références

Voir les références
  1. Tschannen-Moran, M., & Hoy, A. W. (2007). The differential antecedents of self-efficacy beliefs of novice and experienced teachers. Teaching and Teacher Education, 23(6), 944‑956.
  2. Stajkovic, A. D., & Luthans, F. (1998). Self-efficacy and work-related performance : A meta-analysis. Psychological Bulletin, 124(2), 240‑261.
  3. Masson, J., & Fenouillet, F. (2013). Relation entre sentiment d’efficacité personnelle et résultats scolaires à l’école primaire : Construction et validation d’une échelle. Enfance, N° 4(4), 374‑392.
  4. Galand, B., & Vanlede, M. (2004). Le sentiment d’efficacité personnelle dans l’apprentissage et la formation : Quel rôle joue-t-il ? D’où vient-il ? Comment intervenir ? Savoirs, Hors série(5), 91‑116.
  5. Bandura, A., & Schunk, D. H. (1981). Cultivating competence, self-efficacy, and intrinsic interest through proximal self-motivation. Journal of Personality and Social Psychology, 41(3), 586‑598.
  6. Bandura, A., & Lecomte, J. (2007). Auto-efficacité : Le sentiment d’efficacité personnelle. De Boeck.
Bastien Wagener
WRITTEN BY

Bastien Wagener

Docteur en psychologie, je suis passionné à la fois par le développement personnel, mais aussi par la recherche sur les capacités et potentialités incroyables de l’être humain !
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Coralie Le van van
5 années plus tôt

Encore un super article Bastien, comme toujours !

Aperçu du livre "Plus efficace & plus heureux" avec commentaires

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