Le courage est une notion qui peut paraître surannée, et le monde du travail n’échappe pas à cet à priori. En dehors de certaines professions (ex : pompier, militaire, sportif de haut niveau…), il est rare de faire rimer courage avec emploi. Et pourtant, le courage peut prendre de nombreuses formes, et apporter de nombreux bénéfices au niveau professionnel. Voyons donc comment la bravoure peut améliorer cet aspect de notre vie.
Qu’est-ce que le courage ?
Être courageux, c’est affronter des défis, des menaces ou des difficultés. Cela implique aussi d’avoir des convictions et des objectifs forts qui guident notre action, même s’ils ne sont pas populaires1. Un des éléments centraux de cette vertu est le fait de faire face à ses peurs plutôt que de les éviter. Il s’agit de prendre conscience du risque et d’agir délibérément pour atteindre un but, plutôt que d’être tétanisé ou de fuir3.
Bien entendu, le courage peut varier en “importance”. Du privé et de l’intime jusqu’à des actions considérées comme universellement courageuses, toutes les nuances existent. Et que l’on prenne des risques physiques, psychologiques, sociaux ou moraux, on parlera toujours de courage.
Si vous souhaitez mieux comprendre cette notion et cultiver la bravoure de manière globale, je vous invite à consulter cet autre billet du blog. Dans cet article, nous allons plutôt nous concentrer sur son fonctionnement dans la sphère professionnelle.
Le courage sur le lieu de travail
Nous n’avons pas tous à sauver des vies en pénétrant dans un bâtiment en flammes pour être courageux. Au travail, un acte sera qualifié de courageux s’il est pertinent, risqué et a de la valeur4. En fonction de l’emploi dont on parle, cela peut prendre de nombreuses formes.
Bien sûr, on peut avoir tendance à se dire que les périls sont faibles lorsqu’on est employé de bureau. Cependant, il ne faut pas sous-estimer l’ampleur des risques symboliques, qui peuvent avoir des conséquences tout à fait réelles. En effet, il y a à minima toujours des risques sociaux, psychologiques ou économiques quand on décide de se confronter à des peurs ou à des défis au travail. Si les choses tournent à notre désavantage, on peut vite se retrouver en situation sociale délicate, dégrader son estime de soi ou perdre ses revenus4. Même sans être un soldat du feu, on peut donc tout à fait parler de courage au travail !
Le courage et la gestion du risque
Le courage professionnel se traduit notamment par des comportements qui peuvent potentiellement altérer les relations de l’individu ou son image sociale. Être courageux dans ce domaine peut simplement passer par le fait de reconnaître ses erreurs ou de partager une préoccupation non évidente pour les autres5.
Bien évidemment, quand on prend des risques, cela ne paye pas toujours. Pour qu’une action socialement courageuse soit efficace, il faut développer ce que certains chercheurs appellent l’intelligence du risque subjectif. Il s’agit de la capacité d’un individu à évaluer de manière efficace les avantages et inconvénients d’une décision dans des situations incertaines4. Cette dimension comporte 4 aspects4 :
- La capacité d’imagination : générer des idées nouvelles et potentiellement utiles.
- Le sentiment d’efficacité personnelle de résolution de problèmes : croyance en sa capacité à gérer les situations et à prendre des décisions.
- La gestion émotionnelle du stress : réguler les réponses émotionnelles dans les situations stressantes (coping orienté vers l’émotion).
- Une attitude positive envers l’incertitude : voir cette dernière comme une source d’opportunité plutôt que comme une menace.
Être courageux nécessite ainsi de bien évaluer les situations. Bien sûr, s’il n’y a aucune chance d’échouer, difficile de parler de courage. Toutefois, sans intelligence du risque, on peut vite tomber dans l’inconscience ou la témérité. D’ailleurs, des travaux ont pu mesurer les effets de cette intelligence du risque. Elle a un rôle dans les processus de changement de carrière, la tendance à l’entrepreneuriat, l’adaptabilité par rapport aux évolutions de son métier, la satisfaction au travail et le succès professionnel. Cette notion, couplée au courage, a même un effet direct sur la performance au travail4.
Les effets du courage au travail
Au-delà de son lien avec la capacité à bien évaluer le risque, le courage a de nombreux effets dans la vie professionnelle. Globalement, les gens qui sont courageux au travail sont plus à même de faire face aux comportements problématiques de collègues ou aux situations qui pourraient altérer leur image sociale. Cela a, en retour, un effet positif sur les performances4. Les gens qui font preuve de courage au travail sont aussi plus confiants et ont souvent plus d’opportunités de carrière.
Le courage social a également d’autres effets positifs : davantage de proactivité dans les aspects sociaux du travail, et des relations plus profondes avec les collègues5. Et à moins d’exercer une profession solitaire, c’est tout à fait indispensable. Surtout que cela s’accompagne en retour d’un meilleur soutien social de la part d’autrui5.
Du point de vue de l’employeur, c’est aussi quelque chose d’intéressant. En effet, le courage promeut l’identification à l’organisation pour laquelle on travaille. Ce sentiment d’appartenance se développe d’ailleurs tout autant en présentiel qu’en télétravail5. En clair, un employé courageux, avec des principes, sera un meilleur manager, sera plus assertif et prendra des risques calculés. Les organisations qui construisent la confiance et le courage sur le lieu de travail ont des employés plus heureux et productifs.
Pour résumer, on peut dire que le courage au travail6 :
- est associé à la satisfaction globale au travail ;
- permet de prédire les performances des personnes en position de prendre des décisions ;
- améliore l’évaluation et la perception de l’employé par ses supérieurs ;
- augmente la performance globale au travail ;
- a des effets positifs pour le fonctionnement de l’entreprise/l’organisation, peu importe la place qu’occupe l’individu dans l’organigramme.
Être courageux au travail n’est donc pas uniquement quelque chose de louable. C’est une qualité essentielle tant au niveau individuel qu’organisationnel.
Comment fonctionnent ceux qui font preuve de courage au travail ?
Le courage est nécessaire pour sortir de sa zone de confort et s’atteler à des projets que d’autres n’ont pas réussi à accomplir. Pour les personnes en position de responsabilité, le courage peut consister à dépasser la tendance à micro-manager et inviter à être plus confiant envers ses collaborateurs. Prendre la parole quand des collègues sont mal traités ou discriminés en fonction de leur âge, de leur origine ou de leur orientation sexuelle est aussi une expression courante du courage professionnel. Tirer la sonnette d’alarme sur ces sujets peut en effet provoquer des changements positifs sur le lieu de travail et développer un plus grand sentiment d’appartenance à l’organisation qui nous emploie.
Être courageux de manière équilibrée permet aussi d’être considéré comme une personne de confiance, qui assume ses échecs et est capable de saisir les opportunités pour rebondir. Les notion de confiance, de lien social et de courage sont étroitement liées. Tout cela permet à l’inverse d’augmenter les chances de succès d’une action courageuse. Quand on prend des risques et que les autres nous font confiance et nous suivent, le taux de réussite augmente. Et quand on est courageux pour les autres et pour le collectif, cela invite à davantage de confiance.
Tout ceci ne signifie pas pour autant qu’il faut être de tous les combats. L’intelligence du risque est là encore très importante. Prendre le temps de cultiver de bonnes relations et de connecter ses objectifs à ceux de l’organisation pour laquelle on travaille permet au courage de se déployer dans de bonnes conditions et de favoriser une issue positive.
Par ailleurs, quand les choses se passent bien, les individus courageux remercient leurs soutiens et partagent le bénéfice. Quand l’issue est moins favorable, ils traitent les émotions négatives et réparent les liens avec ceux qui se sentent blessés ou aigris. Le courage au travail, ce n’est donc pas juste un coup d’éclat ponctuel.
Cultiver le courage au travail
Les comportements de courage efficace peuvent s’apprendre. Ils dépendent des efforts et de la pratique plutôt que d’un trait de personnalité héroïque réservé à quelques élus. L’idée est d’avancer petit à petit. Par ailleurs, il faut garder ses valeurs et ses buts au centre de ses actions. Dans ce cas, on aura un plus grand respect pour soi-même en cas de difficulté, et on regrettera moins ses actions, peu importe les résultats. Être courageux ne veut pas non plus dire qu’on se sacrifie systématiquement pour son employeur. Néanmoins, où que l’on travaille, le courage est une vertu nécessaire que les organisations devraient cultiver. Voici quelques pistes pour vous aider à le faire.
1. Changer de cadre de réflexion
Être courageux nécessite de prendre de la hauteur et d’éviter de tirer des conclusions hâtives. Plutôt que de dire qu’on ne peut pas faire telle ou tell chose, on cherchera à identifier les compétences manquantes permettant de dépasser l’impasse actuelle. Voir les obstacles comme des défis et des opportunités d’apprentissage est la première étape pour déployer des actions courageuses. Cela n’aboutira peut-être pas une prise de risque incroyable, mais constituera un premier pas pour sortir de sa zone de confort et entreprendre de petites actions courageuses.
2. Connaître ses forces
Connaître ses compétences permet de développer la confiance en soi. Vous pouvez très bien faire l’inventaire de vos compétences via cet exercice. Cela vous permettra de savoir sur quoi vous appuyer en cas de situation difficile.
De la même manière, vous pouvez faire la liste de vos forces. Il est également possible de les évaluer directement avec des tests validés scientifiquement comme le CliftonStrengths ou le VIA character. Je vous explique comment faire dans cette vidéo.
3. Évaluer les conséquences
Quand une situation requérant du courage se présente, prenez le temps de l’analyse. Faites une liste des conséquences positives et négatives, des pires et des meilleurs résultats possibles. En vous focalisant sur le positif, cela vous incitera à faire preuve de plus de courage. Vous confronter aux pires conséquences envisageables permettra à l’inverse de désamorcer certaines peurs. Le pire n’est souvent pas si extrême qu’on le pense.
4. Sortir de sa zone de confort
Il est important de sortir régulièrement de sa zone de confort. Pas systématiquement et à tous les instants, mais de manière récurrente. Le courage sur le lieu de travail est un “muscle” qui doit être exercé. Plus on utilise les “muscles” du courage, plus ils deviennent forts. Pratiquez les choses dans des cadres moins effrayants pour vous habituer et être plus à l’aise en cas de grands enjeux.
5. Se lancer des défis
Tester quelque chose qui a une issue incertaine, c’est faire preuve de courage. Si vous avez déjà l’habitude de sortir de votre zone de confort et que vous voulez monter en gamme, vous pouvez tenter de prendre plus de responsabilité sur un projet, ou de démarrez un nouveau projet qui implique un défi important pour vous. N’attendez pas que l’on vous demande d’être courageux pour l’être : le courage implique une action délibérée !
6. S’attaquer à la procrastination
S’attaquer de manière frontale à une tâche qu’on a évitée ou sur laquelle on a procrastiné est aussi une excellente opportunité pour avancer en la matière. Utilisez le courage pour traiter directement le sujet. Envisagez cela comme un défi à relever.
7. Réagir en cas d’injustice
Enfin, sans pour autant vous transformer en justicier, n’hésitez pas à réagir en cas d’injustice. Faites toutefois attention à ne pas mettre des collègues en situation indélicate en vous imposant comme défenseur public de la veuve et de l’orphelin. Certaines situations nécessitent de la délicatesse, ou tout simplement d’être disponible pour épauler autrui, sans pour autant monter au créneau. N’hésitez donc pas à signaler des injustices, des pratiques non éthiques, ou des abus de pouvoir/de ressources via les canaux appropriés, lorsque cela est pertinent. Entre la passivité totale et l’intrusivité systématique, il y a une place pour des actions courageuses intelligentes.
Conclusions
Dans un contexte ou l’individualisme prend de plus en plus de place, il peut être surprenant de prôner le courage au travail. Et pourtant, que ce soit du point de vue personnel ou de l’organisation, cela a de nombreux avantages. Innovation, satisfaction au travail, performance, sentiment d’appartenance, cohésion d’équipe… Le courage en milieu professionnel est une vertu à soutenir à tous les niveaux.
Néanmoins, le courage de s’impose pas. Sans action délibérée, sans choix, pas de courage possible. Aussi, que ce soit en tant qu’employeur ou en tant que salarié, le courage ne peut être cultivé que par l’exemple. Si vous souhaitez tirer parti des effets positifs du courage au travail, commencez donc par en faire preuve, même de manière modeste. C’est comme cela que tout le monde pourra en bénéficier !
Références
Voir les références
- Niemiec, R. M., & McGrath, R. E. (2019). The power of character strengths : Appreciate and ignite your positive personality. VIA Institute on Character.
- Goud, N. H. (2005). Courage : Its Nature and Development. The Journal of Humanistic Counseling, Education and Development, 44(1), 102‑116.
- Wang, J., Sun, D., Jiang, J., Wang, H., Cheng, X., Ruan, Q., & Wang, Y. (2022). The effect of courage on stress : The mediating mechanism of behavioral inhibition and behavioral activation in high-risk occupations. Frontiers in Psychology, 13, 961387.
- Magnano, P., Santisi, G., Zammitti, A., Zarbo, R., Scuderi, V. E., Valenti, G. D., & Faraci, P. (2022). The Relationship between Subjective Risk Intelligence and Courage with Working Performance : The Potential Mediating Effect of Workplace Social Courage. European Journal of Investigation in Health, Psychology and Education, 12(4), 431‑444.
- Kaltiainen, J., Virtanen, A., & Hakanen, J. J. (2022). Social courage promotes organizational identification via crafting social resources at work : A repeated-measures study. Human Relations, 001872672211253.
- Tkachenko, O., Quast, L. N., Song, W., & Jang, S. (2020). Courage in the workplace : The effects of organizational level and gender on the relationship between behavioral courage and job performance. Journal of Management & Organization, 26(5), 899‑915.
Merci d’être passé(e) sur le site et d’avoir pris le temps de lire cet article ! J’espère que vous l’avez apprécié.
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