Dès que l’on s’attaque à des tâches complexes, à des apprentissages ou à des projets, on fait appel à l’autorégulation. Cette capacité de prise de recul et de réflexivité est également appelée “métacognition” . Même si elle est centrale dans de nombreuses activités, cette dimension reste pourtant méconnue. Voyons ce qui se cache derrière la métacognition afin de mieux la comprendre, mais aussi de la développer avec efficacité.
Qu’est-ce que la métacognition ?
Pour commencer, intéressons-nous à l’étymologie du mot. Il est composé du préfixe “méta” qui signifie littéralement “au-delà”, “après”. Il indique le changement, la réflexion, un niveau supérieur. Quant à la cognition, c’est la faculté de connaître, l’acte mental par lequel on acquiert une connaissance ou on traite des informations. En psychologie, on parle de cognition pour désigner l’ensemble des processus relatifs à nos facultés mentales : mémorisation, raisonnement, attention, etc.
La métacognition concerne donc ce qu’il y a au-delà de la cognition. C’est en quelque sorte une mise en abîme de celle-ci ainsi qu’un aspect purement réflexif de notre fonctionnement mental.
Une faculté humaine composite
Avec une telle première définition, on comprend assez vite que la métacognition est un concept complexe. Pour y voir plus clair, les chercheurs on divisé cette autorégulation consciente de nos cognitions et de nos comportements en plusieurs composantes. La métacognition regroupe ainsi la planification de l’activité, le suivi de celle-ci, les stratégies d’apprentissage et de résolution de problèmes ainsi que la régulation d’aspects « clés » de la cognition, du comportement, de la motivation et des affects.
Lorsqu’on s’autorégule, on s’appuie donc à la fois sur des compétences (régulation de la cognition et du comportement) et des connaissances (stratégies, fonctionnement personnel, influence du contexte, rôle des émotions, capacités cognitives, expériences passées de réussite ou d’échec, etc.). Enfin, lorsqu’on s’autorégule, on vit des expériences particulières.
En résumé, la métacognition est donc la capacité de l’individu à appréhender une situation-problème en s’appuyant sur ses compétences, et ce afin d’atteindre un objectif spécifique1.
Quelques exemples pour mieux comprendre
Afin d’illustrer ce qu’est la métacognition, voici quelques exemples de la vie quotidienne qui y font appel :
- Si vous avez déjà tenté la folle aventure de monter un meuble en kit, vous avez nécessairement utilisé votre métacognition. Vous avez ainsi trié et regroupé les éléments à assembler, et planifié ce qu’il fallait faire pour ne pas avoir à tout démonter en cours de route. La métacognition est ici sollicitée pour réactiver ce que vous savez sur le montage de meubles ou le bricolage en général. Vous avez également eu recours à celle-ci pour vous organiser, respecter un certain timing et vérifier le bon avancement de votre réalisation. Sans parler de l’analyse de la notice de montage !
- Les sportifs font, eux aussi, appel à la métacognition. Notamment lorsqu’il s’agit d’améliorer leurs performances. Elle sert ici à faire un bilan des performances passées, à planifier l’entraînement (fréquence, contenu), à décider du régime alimentaire adapté… Dans les sports collectifs, la métacognition permet également d’analyser les stratégies de l’adversaire et de planifier les siennes.
- Dès qu’on cherche à apprendre quelque chose de nouveau, on mobilise la métacognition. Elle nous sert à identifier nos erreurs, nos réussites, et leurs origines respectives. Par son biais, on peut alors décider de ce qu’il convient de faire pour améliorer nos performances (relire des exemples d’exercices, se replonger dans des points de théorie, poser des questions à l’enseignant, etc).
Vous voyez donc que les domaines d’application sont donc très vastes. La métacognition est en effet sollicitée dans tout apprentissage et dans toute tâche qui va au-delà de simples automatismes. Nous l’utilisons donc tous, quotidiennement.
Les composantes de la métacognition
Comme indiqué en introduction, on peut découper la métacognition en trois grandes composantes : les connaissances, les compétences et les expériences. Bien sûr, il est possible d’aller encore plus dans le détail, mais cela nous mènerait à des complexifications excessives pour cet article.
Les connaissances métacognitives
Ces connaissances regroupent tout ce que l’on sait sur notre manière de fonctionner, et sur la manière dont l’environnement peut influencer notre cognition. Mais attention, ces connaissances ne sont pas composées exclusivement de faits, mais aussi de croyances et de souvenirs.
Ces connaissances métacognitives sont activées volontairement, ou au contraire automatiquement, en fonction de ce que l’on perçoit et vit. Enfin, il est important de préciser que ces connaissances et croyances peuvent être inexactes ou encore partiellement activées et donc faciliter ou entraver l’atteinte d’objectifs. Dans certains cas, cela va même affecter le sentiment d’efficacité personnelle.
On distingue 3 grands types de connaissances :
- Les connaissances sur la cognition et les stratégies cognitives. Cela se traduit par exemple par le fait de savoir que la mémoire est limitée et que la répétition d’un numéro de téléphone permet de le retenir plus facilement.
- Les connaissances des tâches et contextes. Vous savez si vous êtes un bon bricoleur ou un bricoleur moyen. De même vous savez d’expérience si vos capacités dans un domaine particulier se dégradent quand vous vous trouvez en situation d’évaluation ou si cela a plutôt tendance à vous stimuler.
- Tout ce qu’on sait sur soi-même. Ici, les connaissances vont du général au particulier. Il s’agit de ce que vous savez de votre personnalité, du fonctionnement de vos émotions et de votre motivation, etc. De plus, ces informations sont “classées” les unes par rapport aux autres. Par exemple, on peut savoir que l’on est meilleur joueur de guitare que de piano (différences intra-individuelles), mais également que notre professeur de guitare a un meilleur niveau que le nôtre (différences inter-individuelles).
Les compétences métacognitives
La seconde composante de la métacognition regroupe tout ce qui a trait à la régulation de la cognition. Et cela repose sur deux piliers :
- Le suivi ou monitoring métacognitif. C’est le suivi conscient de l’activité en cours, et l’évaluation de celle-ci. Pour faire simple, on vérifie que ce qu’on fait colle bien à nos objectifs. C’est cette compétence qui nous permet de détecter nos erreurs. Le monitoring constitue ainsi la colonne vertébrale de la métacognition, puisque c’est sur cette base que vont se construire les connaissances métacognitives, l’ajustement des processus et des stratégies, ainsi que l’autocorrection.
- Le contrôle métacognitif. Si le suivi métacognitif consiste à observer, le contrôle consiste à agir. On va ainsi décider de poursuivre, de modifier ou d’arrêter certains processus cognitifs en cours. Le contrôle implique également la planification des tâches, toujours dans la perspective d’atteindre un objectif.
Les compétences métacognitives nous permettent donc de vérifier que l’on avance bien comme prévu ou que l’on met en place les comportements pertinents. Le monitoring permet de rendre l’information cognitive consciente, alors que les processus de contrôle permettent de modifier volontairement l’activité cognitive sur cette base.
Les expériences métacognitives
Dernier aspect de la métacognition mais non des moindres, les expériences métacognitives correspondent à l’expérience consciente de ce que l’on est en train de faire. Elles peuvent être déclenchées par l’activation consciente de connaissances métacognitives ou par la régulation volontaire de la cognition.
Lesdites expériences permettent ainsi aux connaissances et aux compétences métacognitives de s’articuler au mieux autour d’un objectif précis, tout en tenant compte de l’état émotionnel et motivationnel.
A travers cette dernière composante de la métacognition, on voit clairement que la conscience et le fait de prêter attention à notre propre activité, sont au centre du concept de métacognition. En cela, la métacognition est une dimension essentielle des pratiques de pleine conscience.
La métacognition concerne aussi les émotions et la motivation
Même si une partie de la recherche ne s’intéresse à la métacognition que par rapport au raisonnement et à la mémoire, l’autorégulation ne se limite pas à ces aspects. En effet, il est évident que pour être performant et efficace, la métacognition doit également être en mesure de réguler les émotions et la motivation. Et si on manque de stratégies d’autorégulation efficaces dans ce domaine, les émotions ou l’absence de motivation peuvent alors prendre le dessus et empêcher l’atteinte des objectifs préalablement définis.
Par ailleurs, les émotions (positives ou négatives) influencent le vécu des expériences métacognitives. L’effort, la satisfaction et la difficulté ressentis par rapport à une tâche sont directement liés à l’humeur dans laquelle on se trouve à ce moment-là2. La régulation mise en place et les connaissances générées vont aussi être altérées par les émotions. Une métacognition efficace implique donc de les réguler. Cet aspect de l’autorégulation est d’ailleurs une composante essentielle de l’intelligence émotionnelle3.
Le rôle central de la métacognition
Au travers des quelques exemples évoqués, on voit que la métacognition fait intégralement parti de notre quotidien. Mais le développement de la métacognition est également essentiel lorsqu’on s’intéresse à l’atteinte d’objectifs, à la gestion de projets, à l’apprentissage… Bref, c’est loin d’être une dimension à négliger.
Apprentissages et résolution de problèmes
La capacité à réguler sa propre activité a ainsi un impact fort sur l’habileté d’apprentissage (capacité à acquérir de nouvelles compétences facilement) et la capacité à résoudre des problèmes. Les personnes qui apprennent “facilement” sont celles qui sont capables de transférer les connaissances et compétences métacognitives d’une situation à une autre4. Enfin, la compétence la plus nécessaire à un apprentissage de qualité consiste en une réflexion sur sa propre activité d’apprentissage afin de l’ajuster en fonction du contexte5.
Apprendre tout au long de la vie est devenu une compétence plus essentielle que jamais aujourd’hui, et c’est justement par le biais de la métacognition qu’on peut le plus modifier la qualité des apprentissages6.
Comment la développer ?
Maintenant que le concept de métacognition est un peu plus clair, intéressons-nous aux différentes manières de développer cette dimension. La recherche scientifique s’est principalement concentrée sur des méthodes permettant de travailler la métacognition dans des domaines très spécifiques. Cependant, il est aussi possible d’agir de manière plus globale sur celle-ci. Voyons comment utiliser ces deux approches complémentaires.
Les entraînements spécifiques
Quand on veut s’améliorer dans un domaine précis grâce à la métacognition, la meilleure manière de procéder consiste à travailler le monitoring métacognitif. On peut faire cela en utilisant l’auto-questionnement systématique et en testant régulièrement notre compréhension. Expliciter ce que l’on est en train de faire permet également de progresser. Il s’agit donc d’essayer de prendre conscience de ce que l’on fait pour ajuster au mieux nos comportements et nos stratégies. Cela est beaucoup plus efficace que d’appliquer “bêtement” des stratégies “clé en main” , qui ne marchent d’ailleurs jamais pour tout le monde, dans toutes les situations.
Notez que ce travail n’a d’intérêt que pour des tâches non automatisées et présentant un niveau de difficulté certain, mais pas trop important. En effet, l’attention portée à la métacognition ne doit pas entraver la réalisation de la tâche. Lorsque les choses sont trop compliquées et qu’on essaye en plus d’analyser ce que l’on est en train de faire en même temps, c’est plutôt contreproductif. Pensez donc à bien doser la difficulté quand vous essayez en même temps de travailler votre métacognition dans un domaine particulier. Vous pouvez vous appuyer sur la pratique délibérée pour ce faire.
L’entraînement global de la métacognition
Un autre type d’approche complémentaire aux précédentes consiste à intervenir de manière globale sur la métacognition. Dans ces cas-là, on chercher à travailler son attention de manière globale. Et pour ce faire, rien de tel que la méditation de pleine conscience, voire même des techniques plus simples comme le training autogène. Certains auteurs regroupent d’ailleurs la méditation et les méthodes de relaxation auto-régulées sous le terme de pratiques de l’attention. Ces pratiques ont en effet en commun le fait d’observer les contenus de la conscience et de modifier l’attention portée à ceux-ci. Cela a alors pour conséquence de modifier les expériences et les connaissances métacognitives.
Dans certains de mes travaux de recherche7, j’ai pu montrer que de simples méthodes de relaxation auto-régulées avaient un effet significatif sur la métacognition, à l’instar des pratiques méditatives. Le training autogène a ainsi un impact mesurable sur l’autorégulation puisqu’il améliore les connaissances et compétences métacognitives chez les adultes. Travailler sa métacognition est donc quelque chose de très accessible.
Conclusion
Même si le terme de “métacognition” est assez méconnu, cette faculté est pourtant au cœur de bon nombre de nos activités, mais aussi de nos plus belles réalisations ! Cet aspect complexe et composite de notre fonctionnement psychocognitif se développe progressivement pendant l’enfance et peut se travailler tout au long de la vie. Alors n’hésitez pas à faire une pause réflexive ou à travailler votre attention de temps à autre. Vous en tirerez rapidement des bénéfices et vous améliorerez notablement vos performances et votre efficacité !
Références
- Pintrich, P. R. (2000). The role of goal orientation in self-regulated learning. In M. Boekaerts, P. R. Pintrich, & M. Zeidner (Eds.), Handbook of self-regulation (p. 451–502). Academic Press.
- Efklides, A. & Petkaki, C. (2005). Effects of mood on students’ metacognitive exprience. Learning and Instruction, 15(5), 415-431.
- Salovey, P. & Mayer, J. D. (1990). Emotional Intelligence. Imagination, Cognition and Personality, 9(3), 185-211.
- Panaoura, A., Philippou, G., & Christou, C. (2003). Young pupils’ metacognitive ability in mathematics. European research in mathematics education III.
- Zimmerman, B. J. (2000). Self-Regulatory Cycles of Learning. In: Gerald A. Straka (Ed.), Conceptions of Self-Directed Learning (p.221-234). Münster: Waxmann.
- Wang, M. C., Haertel, G. D., & Walberg, H. J. (1990). What influences learning? A content analysis of review literature. The Journal of Educational Research, 84(1), 30-43.
- Wagener, B. (2013). Autogenic training, metacognition and higher education. Educational Psychology, 33(7), 849‑861.
Merci d’être passé(e) sur le site et d’avoir pris le temps de lire cet article ! J’espère que vous l’avez apprécié.
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