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Sieste, productivité et santé

Photo d'un homme allongé les sur fauteuil semi-allongé

Nous connaissons tous le petit “coup de mou” qui survient en début d’après-midi. Chacun a ses techniques pour passer outre : enchaîner les cafés, en profiter pour participer à des réunions soporifiques, se perdre sur les réseaux sociaux au lieu de travailler… Même si pour beaucoup d’entre nous ce phénomène est accentué par un manque chronique de sommeil, il est pourtant naturel et survient même chez ceux dont les nuits sont parfaitement reposantes.

Alors d’où vient ce besoin de faire la sieste ? Pourquoi certains pays résistent encore en conservant bon an mal an la coutume du repos de mi-journée ? Le phénomène des power naps (siestes éclair) est-il une simple pratique à la mode ou quelque chose de réellement utile ? Dans cet article, je vous propose de répondre à ces quelques questions sur la sieste et de découvrir les meilleures façons de la pratiquer.

 

Le rythme circadien et le besoin de faire la sieste

Notre niveau de vigilance (ou d’éveil), n’est pas constant tout au long de la journée. En effet, notre système nerveux suit un véritable cycle d’une durée d’environ 24h, qu’on appelle le rythme circadien. Et au cours de notre vie, celui-ci évolue. Sa structure et ses fluctuations changent. Le rythme circadien d’un enfant de 2 ans sera par exemple bien plus morcelé que celui d’un adulte. De même, celui d’un adolescent débutera plus tard dans la journée alors qu’une personne âgée se lèvera plus spontanément aux aurores.

Le rythme circadien de l’adulte

Néanmoins, une fois sorti de l’adolescence et jusqu’à un âge proche de celui de la retraite, notre rythme circadien suit à peu près le même schéma (même si des variations interindividuelles existent nécessairement). Ainsi, certaines personnes seront plus du matin, d’autres du soir, alors qu’un autre tiers de la population se situera quelque part entre ces deux extrêmes. En fonction de cette particularité, les pics de vigilances se produiront plus ou moins tôt dans la journée, avec une intensité plus ou moins grande.

Si on établit des moyennes, on obtient toutefois un schéma cohérent qui conviendra à tout le monde à quelques ajustements près :

Graphique représentant le cycle de la vigilance moyen chez un adulte au cours de 24h

 

Sur le schéma ci-dessus, on constate que plus longtemps on est éveillé, et plus le besoin de dormir augmente (on parle de pression du sommeil). Après 16 heures d’éveil continu, le fonctionnement mental décline significativement et l’envie de dormir devient impérieuse. On peut évidemment repousser l’heure du coucher régulièrement et faire des nuits blanches de temps à autres, mais cela n’est pas sans conséquences.

Le graphique nous indique également que notre niveau de vigilance n’est pas constant dans la journée. En effet, nous subissons tous une baisse de nos capacités cognitives en début d’après-midi (entre 13h et 15h). C’est à ce moment que la sieste se produit quand nous ne nous efforçons pas de rester actifs. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser depuis la révolution industrielle, dormir pendant quelques minutes pendant cette fenêtre de 2 heures n’est pas une perte de temps, bien au contraire !

Pour en savoir plus sur le sommeil et l’éveil, je vous invite à écouter cet épisode du podcast.

 

Sieste et sommeil

En milieu naturel et dans la plupart des cultures au cours de l’histoire, le fait de faire une sieste était considéré comme un phénomène normal et utile. Pas nécessairement systématique, mais tout de même plutôt régulier. Ceci est d’ailleurs assez logique puisque le fait de faire la sieste au moment où notre vigilance enregistre une baisse permet de la restaurer. Ceci nous rend alors bien plus efficaces dans les heures qui suivent. Et si on reste raisonnable en termes de durée, cela n’interfèrera en aucune façon avec notre capacité à nous endormir le soir.

Vous l’aurez compris, le moment de la sieste doit donc coïncider avec notre baisse de vigilance de mi-journée (en général vers 14h). Quant à sa durée, il s’agit de se situer bien en deçà d’un cycle complet de sommeil. Mais qu’est-ce qu’un cycle de sommeil au juste ?

Pour faire simple, sachez qu’une nuit complète de sommeil est constituée de 4 à 6 cycles de 90 minutes. Et pour chaque cycle, on passe d’abord d’un sommeil léger (stade 1) à un sommeil profond (stade 4), pour terminer sur une phase de sommeil paradoxal, assez proche de l’état d’éveil. Une sieste doit donc durer moins de 90 minutes bien sûr, mais aussi ne pas nous emmener dans un sommeil trop profond. On considère ainsi qu’il ne faut pas aller au-delà du deuxième stade. Dans le cas contraire, toute extension du temps de sieste peut créer des difficultés d’éveil et potentiellement perturber l’endormissement le soir même. En clair, toute sieste de plus de 30 minutes est à proscrire.

 

L’intérêt de la sieste

Si la “mode” des power naps a été si forte ces dernière années, c’est parce que la sieste présente objectivement de nombreux avantages. Tout d’abord, s’adonner à cette pratique améliore la vigilance, la cognition et l’efficacité psychomotrice dans les heures qui suivent1. Cette pratique est encore plus intéressante pour les adultes âgés, pour lesquels les bénéfices en terme de santé et de bien-être sont nombreux.

Mais les effets positifs ne s’arrêtent pas là. La sieste améliore aussi la capacité à gérer le stress et augmente les performances2. Une courte sieste d’environ 10 à 20 minutes permet ainsi de provoquer un regain d’énergie3 et de mieux gérer les défis du reste de la journée4. D’ailleurs, il est à noter qu’une simple sieste de 10 minutes donne un coup de boost à la concentration, sans les inconvénients des réveils difficiles consécutifs aux siestes longues3.

Autre bénéfice non négligeable pour les personnes en formation, la sieste améliore la capacité d’apprentissage d’environ 20% dans les heures qui suivent5,6. En faisant un tri et un transfert partiel des nouvelles informations en mémoire à long-terme, le sommeil, même bref, « fait de la place » pour de nouveaux apprentissages. Cet effet peut être observé non seulement pour les apprentissages « abstraits » ou théoriques, mais également pour les apprentissages moteurs.

Bien sûr, si la sieste a été pratique si longtemps, c’est aussi à cause de son impact sur notre santé. Une étude très large menée en Grèce, où la sieste est encore pratiquée, a ainsi montré que l’arrêt de cette pratique chez les jeunes augmentait le risque de problèmes cardiaques de façon modeste mais significative7.

En résumé

Résumé graphique des bénéfices de la siesteGlobalement, les travaux soulignent l’intérêt de cette pratique. En résumé, une sieste de 10 à 30 minutes, effectuée au bon moment (ni trop tôt, ni trop tard dans la journée), apporte les bénéfices suivants :

  • Amélioration du fonctionnement cérébral, de la précision, de l’attention et de la concentration.
  • Facilitation de l’émergence d’idées créatives.
  • Amélioration de la pensée critique.
  • Baisse du stress et boost positif de l’humeur.
  • Augmentation de l’énergie, de la motivation et de la performance physique.

Mais pour obtenir tout ou partie de ces avantages, il ne suffit pas de s’assoupir quelques instants une ou deux fois par an. Il faut être régulier dans sa pratique. C’est ce qui permet d’identifier le moment optimal pour faire la sieste et de la rendre plus efficace1.

Il ne s’agit toutefois pas d’un remède miracle. Aucune pratique de la sieste, même parfaitement maîtrisée et régulière, ne saurait par exemple compenser un manque chronique de sommeil.

 

Comment “bien” faire la sieste ?

Si notre besoin de sieste est naturel, il faut tout de même s’assurer de suivre quelques consignes pour la pratiquer correctement. Heureusement, avec l’expérience, les choses deviennent rapidement plus simples et efficaces. Néanmoins, comme nous avons majoritairement perdu cette habitude, les premiers temps peuvent s’avérer quelque peu difficiles.

Identifier le moment “idéal” pour vous

Tout d’abord, il faut noter que les effets de la sieste sur le sommeil ne sont pas statiques mais changent en fonction du moment de la journée. En effet, plus on l’effectue tardivement, plus elle risque de nous entraîner dans un sommeil profond. De plus, une sieste de fin d’après-midi a également tendance à perturber l’endormissement le soir. Le mieux est donc de trouver le créneau le plus approprié pour vous, quelque part entre 13h et 15h. Le moment idéal dépend notamment :

  • 5 conseils pour faire la sieste résumésdu besoin de sommeil de chacun,
  • de la stabilité et du timing du cycle réveil/endormissement,
  • du fait d’être plus du matin ou du soir,
  • de la qualité du sommeil la nuit précédente,
  • et du niveau d’éveil avant la sieste.

Dormir pendant une durée limitée

On considère généralement qu’il vaut mieux ne pas dépasser 20 minutes de sieste afin de ne pas tomber dans un sommeil trop profond1. Un minimum de 10 minutes est recommandé chez les personnes aguerries pour ne pas rester sur une somnolence superficielle. En effet, avec le temps on passe plus rapidement “en mode sieste” et l’endormissement est plus aisé.

En s’imposant une durée contenue, on s’assure donc d’éviter l’inertie du sommeil tout en profitant des bénéfices de la sieste dès l’éveil1.

Pratiquer dans un environnement adapté

Autre point d’importance : l’environnement dans lequel on fait la sieste. Celui-ci a  un impact fort sur l’endormissement et la qualité du sommeil, d’autant plus quand on débute.

Bien entendu, on préférera tout d’abord un lieu calme pour s’assoupir quelques minutes. Veillez aussi à la température de la pièce (ni trop chaud, ni trop froid), au confort de votre couchage et à la lumière. Cherchez à réaliser cette pause en position semi-allongée, en bloquant autant que possible la lumière, dans un environnement sans perturbations sonores.

Combiner café et sieste

Pour terminer, sachez qu’il est tout à fait possible de combiner café (ou thé) et sieste pour décupler les bénéfices de cette pratique8. En effet, comme la caféine commence à faire effet en 20 minutes environ, on peut tout à fait boire un café juste avant la sieste. Au moment du réveil, on profitera ainsi des effets du sommeil récupérateur et du coup de fouet lié à la caféine. Ces deux éléments rentrent alors en synergie et sont plus efficaces que lorsqu’ils sont “pris” séparément8.

 

Conclusions

La recherche nous montre donc que la sieste est un phénomène naturel aux nombreux bénéfices, et non une mode, une activité anecdotique ou une habitude inutile. Dès lors, si vous avez l’opportunité de la pratiquer au travail, n’hésitez plus. Vous devriez en tirer des bénéfices après seulement quelques jours de pratique.

Que vous cherchiez à booster votre productivité, votre humeur ou votre santé, je vous invite donc à piquer un petit somme après le déjeuner !

 

Références

  1. Milner, C. E., & Cote, K. A. (2009). Benefits of napping in healthy adults : Impact of nap length, time of day, age, and experience with napping. Journal of Sleep Research, 18(2), 272‑281.
  2. Kamal, A. A., Wahida, S. N., & Yunus, F. W. (2012). Perceptions on taking a Daily Nap for a Better Quality of Life among Physical & Health Education students in Malaysia. Procedia – Social and Behavioral Sciences, 35, 162‑169.
  3. Lovato, N., & Lack, L. (2010). The effects of napping on cognitive functioning. In Progress in Brain Research (Vol. 185, p. 155‑166). Elsevier.
  4. Ficca, G., Axelsson, J., Mollicone, D. J., Muto, V., & Vitiello, M. V. (2010). Naps, cognition and performance. Sleep Medicine Reviews, 14(4), 249‑258.
  5. Mander, B. A., Santhanam, S., Saletin, J. M., & Walker, M. P. (2011). Wake deterioration and sleep restoration of human learning. Current Biology, 21(5), R183‑R184.
  6. Walker, M. P. (2019). Pourquoi nous dormons : Le pouvoir du sommeil et des rêves, ce que la science nous révèle (P. Soulat, Trad.).
  7. Naska, A. (2007). Siesta in Healthy Adults and Coronary Mortality in the General Population. Archives of Internal Medicine, 167(3), 296.
  8. Hayashi, M., Masuda, A., & Hori, T. (2003). The alerting effects of caffeine, bright light and face washing after a short daytime nap. Clinical Neurophysiology, 114(12), 2268‑2278.

 

Bastien Wagener
WRITTEN BY

Bastien Wagener

Docteur en psychologie, je suis passionné à la fois par le développement personnel, mais aussi par la recherche sur les capacités et potentialités incroyables de l’être humain !
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