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Les forces de caractère au travail : bénéfices, mécanismes et limites

Figurine de superman qui vole dans les airs

Au travail, une des meilleures manières de s’épanouir est de faire appel à ses forces personnelles dans ses missions. Agir en accord avec sa personnalité est une excellente recette pour augmenter le plaisir et la productivité au niveau professionnel. Pourtant, seule 1 personne sur 3 est capable de nommer spontanément ses forces, et seulement 1 personne sur 6 met à profit ses forces au travail1.

Aujourd’hui, je vous propose donc de découvrir l’intérêt de cette démarche ainsi que quelques pistes pour mobiliser vos forces dans la sphère professionnelle.

 

Les forces de caractère

Les forces de caractère sont une vision positive de la personnalité. Elles peuvent être définies comme une capacité préexistante, authentique et énergisante de se comporter, de penser ou de ressentir. Elles favorisent le fonctionnement optimal, le développement et la performance des individus2.

Il existe plusieurs manières de classifier et de mesurer les forces. L’approche la plus étudiée, que je privilégie sur Se Réaliser, est celle des 24 forces du VIA. C’est sur cette nomenclature que se sont basés la plupart des travaux de recherche dans le domaine.

Les mythes de la performance au travail

Dans l’univers professionnel, plusieurs mythes circulent quant à la performance. Tout d’abord, certains avancent que l’ambition et les efforts suffiraient pour réussir. Toutefois, la recherche montre que l’utilisation de ses forces distinctives des individus et la mise en place de stratégies adaptées comptent tout autant, voire plus, que les seuls efforts1.

Par ailleurs, on pense souvent que notre plus grand potentiel de progression se situe dans le travail sur nos faiblesses et non sur l’utilisation de nos forces. Pourtant, s’appuyer sur ses forces rime avec motivation et intérêt. Il est donc plus facile de progresser en s’appuyant sur celles-ci qu’en cherchant à compenser en permanence nos points faibles. La recherche montre ainsi qu’une plus grande utilisation des forces favorise l’atteinte des objectifs professionnels et élève le niveau général de vitalité et de concentration au travail1.

Bien entendu, il est également nécessaire de s’occuper de ses faiblesses, qui constituent souvent des éléments critiques qui méritent notre attention. Notre potentiel se situe toutefois davantage dans nos domaines de forces, où on pourra passer d’une performance passable à une performance excellente. Lorsqu’on cherche à compenser ses faiblesses, on passe en revanche plutôt d’une performance limitée à une performance passable1.

Les forces de caractère au travail

Depuis quelques années, les organisations redéfinissent le concept de performance. Un salarié n’est plus simplement celui qui excelle dans sa tâche, mais aussi celui qui sait faire preuve de proactivité et qui est capable de travailler en bonne intelligence avec les autres2. Au-delà de la performance sur des tâches précises, on recherche donc la performance contextuelle. Cette dernière englobe des comportements ne faisant pas partie des tâches prescrites pour un emploi mais qui contribuent à l’efficacité des organisations en façonnant le contexte organisationnel et en jouant un rôle de catalyseur dans les activités et les processus du groupe.Les 24 forces de caractère du VIA Ces comportements influencent positivement la performance organisationnelle, même s’ils ne relèvent pas explicitement du rôle “technique” du travailleur2.

De ce point de vue, les forces sont donc des atouts essentiels qui peuvent favoriser des changements organisationnels positifs (motivation, bien-être, engagement, etc.)2. Mais les forces ont d’abord un intérêt pour l’individu, avant même d’être utiles au collectif.

Ainsi, quand on utilise ses forces au travail, cela se traduit par de plus hauts niveaux d’énergie et davantage d’authenticité3. On se sent plus vigoureux, on récupère plus vite, et nos performances sont meilleures. On est aussi plus aligné avec ses valeurs et on se sent en cohérence. C’est une véritable source de sens au travail.

 

 

Utiliser ses forces au travail, quelles conséquences ?

Au-delà des sensations positives et des effets ressentis, les chercheurs ont pu mesurer un certain nombre de conséquences positives liées à la mobilisation des forces de caractère au travail. Je vous propose de les explorer en détail dans les paragraphes ci-dessous.

1. Effets sur la performance

De nombreuses études ont été menées pour évaluer l’effets de la mobilisation des forces sur les performances. Globalement, on constate que les personnes qui s’appuient sur celles-ci sont plus proactives, productives et performantes1,3,4,5,6. Elles ont moins de comportements contreproductifs et trouvent des solutions plus créatives aux problèmes qu’elles rencontrent4. Elles s’adaptent aussi mieux au changement. Dans certains travaux, l’effet des forces est estimé à un gain de 20% en termes de performances1.

En clair, plus on a d’opportunités d’utiliser ses forces au travail, plus on a des comportements performants au travail3. Et ce qui est vrai au niveau professionnel l’est également dans le domaine des études et du développement personnel6. Enfin, c’est l’auto-efficacité qui voit son niveau augmenter quand on s’appuie sur ses forces. On se sent davantage capable de mobiliser ses compétences et de réussir. On est alors plus proactif et on met en place les conditions favorables à sa propre performance2.

2. Effets sur les émotions

S’appuyer sur ses forces n’est pas seulement utile du point de vue de la performance pure. Cela génère aussi plus d’émotions positives. Émotions positives qui élargissent le répertoire de comportements : plus de créativité, d’innovation, d’ouverture d’esprit, de flexibilité et d’adaptation, d’efficacité et d’aide envers les collègues2,7. De manière assez logique, les émotions négatives ont également tendance à baisser dans ce cas, ce qui favorise là encore les performances et la qualité des relations au travail7.

Les affects négatifs sont cependant parfois source de proactivité. Ils peuvent nous pousser à agir, afin de combler l’écart entre une situation réelle insatisfaisante et une situation désirée2. Cependant, la mobilisation du négatif doit rester limitée pour ne pas devenir contreproductive. S’appuyer sur le positif grâce au force reste donc une meilleure stratégie d’une manière générale.

3. Effets sur les relations professionnelles

Ainsi, l’utilisation des forces génère des émotions positives, plus propices à un climat apaisé et constructif au travail. Ce sont alors les comportements d’entraide et les vertus civiques qui sont mises en avant2. Tout ceci permet à chacun de trouver sa place et de faire avancer les projets collectifs, au-delà des tâches individuelles. L’ambiance de travail n’est pas un facteur à négliger lorsqu’on parle de performances ou de turnover du personnel. Et les forces de caractère sont un des leviers à activer pour agir sur ce point.

4. Satisfaction et bien-être au travail

Miser sur les forces des employés est donc un vecteur intéressant pour augmenter le bien-être au travail2. C’est même la première conséquence d’une intervention dans le domaine des forces : l’effet sur la performance survient à plus long-terme5.

Globalement, c’est d’abord la satisfaction au travail, puis la satisfaction dans la vie qui sont modifiées positivement par l’utilisation des forces au travail8. On trouve plus de sens au travail, et ce dernier sera même davantage perçu comme une vocation 4. Tout ceci a pour conséquence d’élever l’estime de soi9, ce qui a de nombreuses conséquences positives.

5. Intérêt pour les organisations

Vous l’aurez compris, l’approche des forces n’est pas seulement intéressante pour les employés, mais aussi pour les employeurs. En effet, dans le contexte de changement et d’incertitude dans lequel nous évoluons depuis quelques décennies, les organisations ont besoin que leurs travailleurs soient proactifs et fassent preuve d’initiative2. Au-delà des performances améliorées, ce sont aussi les profits générés par les entreprises qui augmentent lorsqu’on favorise l’utilisation des forces au travail1. Si le profit ne doit pas être une fin en soi, cela constitue néanmoins un argument solide pour encourager les managers à intervenir sur ce sujet.

D’une manière générale, il est donc intéressant de créer des opportunités pour que chacun puisse mobiliser ses forces au travail. Cultiver un climat basé sur les forces génère de meilleures performances, un plus grand épanouissement des salariés, une meilleure rétention des effectifs7 ainsi qu’une baisse de l’absentéisme6. Autant d’arguments en faveurs de cette approche pour les organisations.

Résumé des effets de l'utilisation des forces au travail sur l'épanouissement

Résumé de l'effet des forces au travail sur l'efficacité

 

La compatibilité entre les forces et le poste occupé

Malgré ce tableau idyllique, il n’est pas toujours possible d’appliquer pleinement ses forces au travail. En tentant de les mobiliser davantage, certaines personnes peuvent ainsi être amenées à prendre conscience que leur environnement actuel, voire leur profession, n’est pas en bonne adéquation avec leur profil de forces.

C’est la que la notion de “compatibilité personne-environnement” rentre en ligne de compte. En effet, l’utilisation des forces au travail dépend de l’adéquation entre le profil de forces de l’employé et les exigences de l’environnement de travail. On est ainsi plus à même d’utiliser ses forces “signature” si l’environnement de travail sollicite ces dernières ou donne de l’espace aux employés pour les mobiliser10. Quand cette compatibilité existe à un niveau élevé, l’épanouissement d’un individu sera plus grande et il aura plus de chances de considérer son job comme une vocation11.

Le fait d’avoir une plus haute congruence entre les forces de caractère d’une personne et celles qui sont fréquemment présentes dans son secteur d’activité entraîne de plus hauts niveaux de satisfaction dans la vie et au travail8. Certains profils de forces sont d’ailleurs surreprésentés dans certaines professions. Bien entendu, il est toujours possible de trouver des manières appropriées d’utiliser ses forces dans tout domaine d’activité, même si cela ne semble pas évident à priori. Quoi qu’il en soit, l’utilisation de la grille de lecture des forces, associée à un accompagnement personnalisé, reste une piste intéressante pour choisir sa voie ou un emploi particulier8.

Les conditions qui influencent l’application des forces au travail

En résumé, on peut dire que l’application des forces au travail dépend de plusieurs conditions12 :

  • Un développement suffisamment important de la force en question
  • Le fait d’être capable de traduire cette force en comportements pertinents
  • Un environnement de travail qui permet d’exprimer ses forces. Ceci est influencé par :
    • Les demandes normatives au travail (niveau des contraintes et des processus normalisés)
    • Le fait que les comportements liés aux forces soient pertinents et appréciés sur le lieu de travail en question
    • La présence perçue de facteurs qui pourraient faciliter ou handicaper les comportements liés aux forces (ex : pression temporelle, stress, etc.)
    • La motivation intrinsèque à faire preuve de comportements liés aux forces

Pour vous situer, vous pouvez passer ce test afin de connaître votre niveau actuel d’utilisation des forces au travail. Cela vous permettra d’identifier des marges de progression.

 

Risques et limites

Je ne voudrais toutefois pas dresser un tableau simple est idyllique de la situation. Si les forces sont souvent sous-utilisées, on peut aussi tomber dans l’excès et les surexploiter. Si vous souhaitez mieux comprendre à quoi ressemble une surexploitation des forces, je vous invite à lire cet article qui traite de ce sujet.

Ainsi, dès que l’on sort d’une juste utilisation des forces, la performance sera dégradée4. Par ailleurs, il ne faut pas non plus ignorer ses points faibles et ne jurer que par ses forces. Développer ses compétences est impératif, et on ne peut pas exclusivement et indéfiniment s’appuyer sur ses point forts au détriment de tout le reste12. On risquerait alors de verser dans la surutilisation.

Les forces doivent donc rester un axe d’action prioritaire, mais pas unique, pour aller vers davantage d’épanouissement et de performance. On peut d’ailleurs mobiliser certaines forces, certaines manières de faire qui nous correspondent et nous sont propres, pour monter en compétence dans des domaines qui nous posent problème (et y trouver du plaisir par la même occasion).

Enfin, l’augmentation des performances grâce aux forces n’est pas systématique et immédiate. Cela prend du temps, habituellement plusieurs semaines, et se traduit d’abord par une plus grande vitalité et davantage d’émotions positives5. Et si l’environnement de travail est toxique ou que votre emploi a perdu tout son sens, la mobilisation des forces ne constituera pas un remède miracle. En revanche, elle vous permettra sans doute d’identifier des solutions pour avancer et effectuer les changements – plus ou moins radicaux – qui s’imposent.

 

Conclusions

Les forces de caractère ne sont pas uniquement une approche positive de la personnalité, développée à des fins de recherche. Elles constituent une grille de lecture dont les applications concrètes se multiplient et dont les effets sont bien réels. Dans le monde professionnel, la mobilisation des forces de caractère par tous les acteurs a ainsi de nombreuses conséquences positives. Qu’il s’agisse de bien-être, de performances, d’esprit d’équipe, d’efficacité, de motivation ou d’épanouissement, l’utilisation des forces permet d’agir sur de nombreux critères.

Connaître ses forces et apprendre à les mobiliser semble donc être très intéressant dans n’importe quel cadre organisationnel. Bien entendu, il ne s’agit pas pour autant de la panacée. On ne peut pas uniquement s’appuyer sur ses points forts en permanence, ou réaliser des tâches qui nous font systématiquement plaisir, chaque jour. L’idée est donc d’apprendre à réguler ses forces pour bien les employer, plutôt que pousser les curseurs au maximum, tout le temps.

Lorsque vous cherchez à améliorer votre quotidien professionnel, commencez dès lors par mobiliser vos forces, qui sont une source d’épanouissement et de progression. Ne négligez pas pour autant vos points faibles, mais sachez que vous progresserez davantage si vous consacrez plus d’énergie à cultiver vos forces qu’à compenser en permanence vos lacunes. Tout est une question d’équilibre. Et on progresse plus en devenant un expert dans des domaines qui nous tiennent à cœur qu’en cherchant en permanence à être “moins mauvais” là où d’autres sont déjà excellents !

 

Références

Voir les références
  1. Dubreuil, P., Forest, J., & Courcy, F. (2012). Nos forces et celles des autres : Comment en optimiser l’usage au travail ? Gestion, Vol. 37(1), 63‑73.
  2. Belleville, K., Dubreuil, P., & Courcy, F. (2020). L’utilisation des forces au travail et les comportements proactifs et de citoyenneté organisationnelle : Examen du rôle médiateur du bien‐être. Canadian Journal of Administrative Sciences / Revue Canadienne Des Sciences de l’Administration, 37(2).
  3. Dubreuil, P., Forest, J., & Courcy, F. (2014). From strengths use to work performance : The role of harmonious passion, subjective vitality, and concentration. The Journal of Positive Psychology, 9(4), 335‑349.
  4. Miglianico, M., Dubreuil, P., Miquelon, P., Bakker, A. B., & Martin-Krumm, C. (2020). Strength Use in the Workplace : A Literature Review. Journal of Happiness Studies, 21(2), 737‑764.
  5. Dubreuil, P., Forest, J., Gillet, N., Fernet, C., Thibault-Landry, A., Crevier-Braud, L., & Girouard, S. (2016). Facilitating well-being and Performance through the Development of Strengths at Work : Results from an Intervention Program. International Journal of Applied Positive Psychology, 1(1‑3), 1‑19.
  6. Forest, J., Mageau, G. A., Crevier-Braud, L., Bergeron, É., Dubreuil, P., & Lavigne, G. L. (2012). Harmonious passion as an explanation of the relation between signature strengths’ use and well-being at work : Test of an intervention program. Human Relations, 65(9), 1233‑1252.
  7. Dubreuil, P., Ben Mansour, J., Forest, J., Courcy, F., & Fernet, C. (2021). Strengths use at work : Positive and negative emotions as key processes explaining work performance. Canadian Journal of Administrative Sciences / Revue Canadienne Des Sciences de l’Administration, 38(2), 150‑161.
  8. Gander, F., Hofmann, J., & Ruch, W. (2020). Character Strengths : Person–Environment Fit and Relationships With Job and Life Satisfaction. Frontiers in Psychology, 11, 1582.
  9. Wood, A. M., Linley, P. A., Maltby, J., Kashdan, T. B., & Hurling, R. (2011). Using personal and psychological strengths leads to increases in well-being over time : A longitudinal study and the development of the strengths use questionnaire. Personality and Individual Differences, 50(1), 15‑19.
  10. Harzer, C., & Ruch, W. (2012). When the job is a calling : The role of applying one’s signature strengths at work. The Journal of Positive Psychology, 7(5), 362‑371.
  11. Harzer, C., & Ruch, W. (2016). Your Strengths are Calling : Preliminary Results of a Web-Based Strengths Intervention to Increase Calling. Journal of Happiness Studies, 17(6), 2237‑2256.
  12. Meyers, M. C., Dubreuil, P., & Harzer, C. (2021). Nurturing Happiness at Work Through Strengths Use. In J. Marques (Éd.), The Routledge Companion to Happiness at Work (Routledge, p. 224‑235). Taylor & Francis.
Bastien Wagener
WRITTEN BY

Bastien Wagener

Docteur en psychologie, je suis passionné à la fois par le développement personnel, mais aussi par la recherche sur les capacités et potentialités incroyables de l’être humain !
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