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Pourquoi le fait de savourer est important ?

main tenant un gobelet avec une boisson chaude en montage

Pris dans le flot d’activités du quotidien, on prend l’habitude de passer d’une préoccupation à l’autre, et d’enchaîner les tâches sans prendre le temps de s’arrêter. Même celui qui est organisé peut passer à côté de nombreux moments appréciables en cherchant l’efficacité à tout prix. Or, savourer un peu plus l’instant présent n’a rien d’une perte de temps, bien au contraire. Voyons exactement en quoi cela consiste et ce que cela peut nous apporter au quotidien.

 

Ce que signifie le fait de savourer

Les chercheurs en psychologie décrivent l’action de savourer de la manière suivante : vivre des expériences positives en les appréciant pleinement, voire en amplifiant leur intensité1. Il s’agit d’un comportement actif qui met l’emphase sur l’interaction entre l’individu et son environnement. Il se focalise plus particulièrement sur l’expérience de réjouissance, d’appréciation et de délectation dans son acception la plus large1. Le fait de savourer ne concerne toutefois pas uniquement le monde extérieur. En effet, la délectation peut aussi être associée à un événement interne, et ne pas s’appuyer sur quelque chose de matériel ou de tangible2.

On associe par ailleurs souvent la délectation à la notion de plaisir. Et c’est tout à fait normal, puisque ces deux éléments sont intimement liés. La délectation dépasse toutefois le simple plaisir des sens puisqu’elle passe par une prise de conscience des sensations éprouvées mais aussi des émotions qui découlent de l’expérience vécue. Quand on savoure, on se place donc en positionméta1. On apprécie l’expérience et on prend pleinement conscience de notre délectation. Il s’agit donc d’une mise en abîme qui nous permet de tirer encore plus de positif d’une expérience déjà fort agréable.

Les 3 aspects de la délectation

Les chercheurs qui s’intéressent à ce phénomène vont plus loin dans leur analyse et ont relevé 3 aspects qui le
définissent1 :

  • Schéma résumant les 3 aspect du phénomène de délectationExpériences. Cet aspect de la délectation est relatif au fait de focaliser son attention pour apprécier pleinement les événements positifs au moment où ils se produisent. Cela implique les sensations, émotions, perceptions, pensées et comportements liés à l’environnement particulier dans lequel on est immergé au moment de la délectation.
  • Processus. Les processus de délectation, quant à eux, servent à connecter l’événement positif à des émotions positives, via différents mécanismes de régulation. Par exemple, le fait d’apprécier le geste généreux d’une tierce personne permet de réguler la gratitude.
  • Réponses. Il s’agit ici des comportements et pensées spécifiques qui émergent en réaction à un événement positif. Ces réponses régulent le niveau d’affect ressenti, soit en amplifiant, soit en amenuisant l’intensité et la durée des émotions positives.

Ces précisions nous permettent de souligner que la délectation est toujours relative à des expériences, influencées par des processus de régulation et des réponses comportementales. Savourer un événement est donc un acte complexe, fortement lié aux sensations et à la sphère émotionnelle.

Savourer selon 3 temporalités différentes

Si la délectation d’expériences présentes est essentielle pour l’épanouissement personnel, le fait de savourer des événements passés ou à venir présente aussi un certain intérêt. C’est pourquoi les chercheurs intègrent cette notion de temporalité dans leurs travaux et distinguent trois types de délectation :

  • La réminiscence : savourer des événements passés en se le remémorant.
  • Savourer l’instant présent : être totalement immergé dans une expérience et prendre pleinement conscience de son vécu au moment où il se produit.
  • Anticiper : apprécier des événements à venir dès maintenant grâce à l’anticipation.

En quoi la délectation se distingue-t-elle d’autres concepts de psychologie ?

En définissant la délectation, on pourrait penser que ce phénomène ne se distingue pas tellement d’autres notions comme la pleine conscience et le flow. Pourtant, même s’il existe des points communs entre le fait de savourer et d’autres aspects de la cognition humaine, ce phénomène reste tout à fait spécifique. Voici quelques notions à distinguer de la délectation1 :

  • Pleine conscience. Certes, le fait de savourer implique une prise de conscience forte, mais c’est un processus beaucoup plus étroit et spécifique que ne l’est la pleine conscience. En effet, savourer fait appel à l’attention focalisée et non à une attention très ouverte.
  • Méditation. La délectation n’a pas pour but final de transcender le soi, mais plutôt de valoriser les émotions positives.
  • Rêverie. La rêverie implique de se détacher de l’environnement immédiat, alors que le fait de savourer se concentre sur des expériences concrètes, que celles-ci soient présentes, réactivées ou anticipées. La rêverie, même structurée, est beaucoup moins focalisée et organisée que la délectation.
  • Flow. Ce phénomène, appelé aussi “expérience optimale” , fait disparaître la conscience de soi, contrairement au fait de savourer. De plus, la délectation n’implique pas nécessairement de relever des défis en mobilisant des compétences (alors que c’est le cas dans le flow).

 

Pourquoi prendre le temps de savourer les choses ?

Instinctivement, nous comprenons tous l’intérêt de savourer, de prendre du plaisir en appréciant finement le positif lorsqu’il se produit. Mais est-ce que la délectation a d’autres effets ? L’effort requis est-il réellement “rentable” par rapport au fait de simplement vivre le positif sans s’y attarder ? Là encore, la recherche nous apporte des réponses intéressantes. Selon de nombreux travaux, développer et mobiliser sa capacité à savourer permettrait de :

  • Schéma qui résume les effets positifs de la délectationContrebalancer l’expérience d’émotions désagréables pendant des événements stressants3.
  • Booster le bonheur chez les gens qui font moins l’expérience du positif au quotidien4.
  • Relever le niveau d’affects positifs et d’estime de soi chez des enfants1.
  • Augmenter le niveau de satisfaction dans la vie, de bonheur et de contrôle perçu chez les ados et les adultes âgés5.
  • Réduire les symptômes dépressifs chez des adultes âgés6.
  • Relever globalement le niveau d’affects positifs et de satisfaction dans la vie7.
  • Influencer positivement la satisfaction dans une relation romantique à distance8.
  • Augmenter la qualité de la relation et le niveau d’estime de soi dans un couple via le partage d’événements positifs à son partenaire9.
  • Mieux équilibrer vie familiale et responsabilités professionnelles10.

Le rôle des émotions positives

Tous ces bénéfices passent par l’approfondissement des émotions positives qu’implique la délectation. En effet, ces dernières permettent d’élargir la palette cognitive et comportementale des individus, de promouvoir la créativité et la connexion sociale, mais aussi de développer nos ressources personnelles et notre résilience11. Et comme ce processus d’approfondissement amplifie et augmente la persistance des émotions, cela augmente le niveau de bien-être subjectif2.

Pour terminer, il ne faut pas oublier qu’aucun événement n’est fondamentalement et objectivement positif en tant que tel. C’est notre manière de traiter les informations et d’appréhender tel ou tel événement qui va donner sa coloration positive ou négative à une expérience. Nous avons donc tous de nombreuses opportunités de savourer au quotidien, notamment en reprenant conscience des sensations agréables auxquelles nous nous sommes habitués.

 

Les bases neurologiques de la délectation

Regardons ce qui se passe dans notre cerveau lorsque nous savourons un événement. Ce type d’expérience active le circuit de la récompense et notamment le striatum, dont l’activité influence directement le niveau de cortisol, fortement lié au stress12. L’activation prolongée du striatum ventral est par ailleurs directement liée à la durée des émotions positives ressenties. Il faut aussi souligner que cette zone du cerveau joue un rôle dans l’apprentissage. Enfin, on constate que les personnes qui présentent un plus haut niveau d’activation de cette zone ont des niveaux de bien-être plus élevés et un niveau de stress plus faible que les autres13.

En clair, le fait de réussir à maintenir les émotions positives plus longtemps, et donc de savourer, serait une des clés du bien-être. En effet, il n’y a pas que l’intensité de l’émotion ressentie qui compte, mais aussi sa persistance dans le temps. C’est pourquoi des pratiques comme la méditation de bonté et la mobilisation de la compassion, qui visent à cultiver certaines formes d’émotions positives, améliorent la capacité à savourer13. En mobilisant ainsi plus longtemps le circuit de la récompense via ces pratiques, il est même possible d’observer des changements rapides dans le cerveau !

 

Comment apprendre à savourer les événements ?

Maintenant que nous avons mieux cerné ce qu’implique la délectation, je vous propose d’explorer quelques pistes pour apprendre à savourer davantage au quotidien. Pour commencer, sachez que le fait d’entraîner cette compétence implique un certain nombre de prérequis, sans lesquels tout travail sur le sujet risque d’être inefficace, voire contreproductif1. Les voici :

  • Être capable de se connecter au moment présent.
  • Être libéré de toute responsabilité sociale urgente.
  • Les besoins physiques et psychologiques de base doivent être assurés.
  • Faire preuve de pleine conscience et être capable de se mettre en position “méta” en ce qui concerne les expériences positives.

Ces conditions étant posées, on peut traiter les approches pour savourer selon leur temporalité : passé, présent ou futur.

Résumé des différentes façons de savourer en fonction de la temporalité

Savourer le passé

C’est la manière la plus simple de pratiquer la délectation. Il suffit de passer quelques minutes à penser à un événement joyeux, heureux ou plaisant qui vous est arrivé dans la semaine ou le mois précédent (ex : soirée entre amis, finalisation d’un projet important, …).

En repensant à l’événement choisi, concentrez-vous sur les personnes, les odeurs, les sons, les sensations physiques, etc. Il s’agit de recréer ainsi les émotions positives qu’on a ressenties au moment de l’événement. Pendant que vous savourez, laissez vos pensées parcourir librement cette expérience heureuse. Consacrez plusieurs minutes à cette évocation pour pleinement explorer votre souvenir. Cela vous permettra d’en faire durer les effets. Peut-être l’aurez-vous compris, il s’agit ici de faire un véritable exercice de visualisation.

Une fois votre souvenir pleinement exploré, prenez une grande respiration et prêtez attention pendant quelques instants à la manière dont vos émotions s’expriment dans votre corps. Laissez ensuite ces émotions s’éteindre d’elles-mêmes jusqu’à vous sentir prêt à reprendre le cours de votre journée. Au total, cette évocation ne devrait pas vous prendre plus de quelques minutes.

Savourer le présent

La délectation passe bien évidemment avant tout par l’appréciation du présent. Si vous n’avez pas l’habitude de vous arrêter pour pleinement apprécier un paysage, une sensation ou un événement particulièrement plaisant, cette pratique vous apportera encore plus de positif. L’élément qui vous procure des émotions positives n’a d’ailleurs pas à être d’une grande importance. Cela peut simplement être le fait de vous sentir bien en vous levant le matin.

Pour faire ce travail de délectation, rien de plus simple. Quand vous remarquez que vous vous sentez bien, accrochez-vous à cette sensation et à vos émotions positives en explorant ce qui les a provoquées. Vous pouvez aussi y associer la pratique de la gratitude et vous rappelant d’être reconnaissant pour ce qui est à l’origine de ces émotions positives.

Si vous souhaitez encore plus prolonger vos émotions, n’hésitez pas à capitaliser sur celles-ci. Quand vous vous sentez bien, montrez-le, dites-le et partagez-le avec les autres. Le fait d’exprimer les choses, de manière verbale ou non-verbale, permet de faire durer le plaisir. Il ne s’agit bien sûr pas d’étaler le positif pour s’enorgueillir, mais de le partager pour le diffuser. D’une manière générale, les gens réagissent plutôt bien à l’expression d’émotions positives. Et si ce qui vous fait vous sentir bien peut aussi améliorer l’humeur des autres, alors il n’y a plus d’hésitation à avoir.

Savourer l’avenir

Ici encore, c’est la visualisation qui va nous aider à savourer un événement qui ne s’est pas encore produit. Et même si on rentre ici dans le virtuel et le putatif, cela peut tout de même avoir un impact tout à fait significatif sur notre humeur du moment. En effet, on ressent souvent des émotions positives quand on poursuit un objectif, avant même que celui-ci ne soit atteint.

Vous pouvez par exemple vous projeter dans vos prochaines vacances. Pratiquez la délectation en pensant à ce que vous allez faire, aux personnes qui seront présentes, et aux émotions que vous espérez éprouver. Vous aurez ainsi l’opportunité de générer du positif pour un événement qui n’a pas encore eu lieu. Restez toutefois raisonnable. Il ne s’agit pas de fantasmer au point de générer de la déception une fois en situation !

Cette démarche, qui fait fortement appel à l’imagination, peut par ailleurs alimenter votre motivation tout en vous fournissant un matériau à savourer. C’est donc un exercice intéressant tant qu’on reste raisonnable et réaliste dans ses projections.

 

Conclusions

In fine, savourer est une approche qui relève presque du bon sens. Apprécier les petites choses, les petits plaisirs, les sensations agréables, mais aussi les événements importants est une source inépuisable de bonheur et d’épanouissement. On y trouve à la fois du bonheur hédonique et du bonheur eudémonique (lié au sens). La délectation fait parti des démarches simples et accessibles pour enrichir son quotidien, quelle que soit notre situation. Qu’il s’agisse de caresser votre chat, de boire votre café du matin ou de revenir sur tout ce qui s’est bien passé dans votre journée avant d’aller dormir, le potentiel de délectation est partout.

Bien sûr, il ne s’agit pas d’ignorer le négatif, ou de prendre tellement de temps à savourer l’instant qu’on en oublie de le vivre. Cependant, en prenant petit à petit ce réflexe, on apprend à cultiver son bonheur. Et cela permet d’être plus efficace tout en diffusant le positif autour de soi. Alors n’hésitez plus : la prochaine fois que quelque chose de positif ou d’agréable se passe dans votre vie, prenez quelques instants pour pleinement l’apprécier !

 

Références

Voir les références
  1. Bryant, F. B., & Veroff, J. (2017). Savoring : A New Model of Positive Experience (1re éd.). Psychology Press.
  2. Smith, J. L., & Bryant, F. B. (2017). Savoring and Well-Being : Mapping the Cognitive-Emotional Terrain of the Happy Mind. In M. D. Robinson & M. Eid (Éds.), The Happy Mind : Cognitive Contributions to Well-Being (p. 139‑156). Springer International Publishing.
  3. Zautra, A. J., Affleck, G. G., Tennen, H., Reich, J. W., & Davis, M. C. (2005). Dynamic Approaches to Emotions and Stress in Everyday Life : Bolger and Zuckerman Reloaded With Positive as Well as Negative Affects. Journal of Personality, 73(6), 1511‑1538.
  4. Jose, P. E., Lim, B. T., & Bryant, F. B. (2012). Does savoring increase happiness? A daily diary study. The Journal of Positive Psychology, 7(3), 176‑187.
  5. Bryant, F. (2003). Savoring Beliefs Inventory (SBI) : A scale for measuring beliefs about savouring. Journal of Mental Health, 12(2), 175‑196.
  6. Smith, J. L., & Hollinger-Smith, L. (2015). Savoring, resilience, and psychological well-being in older adults. Aging & Mental Health, 19(3), 192‑200.
  7. Quoidbach, J., Berry, E. V., Hansenne, M., & Mikolajczak, M. (2010). Positive emotion regulation and well-being : Comparing the impact of eight savoring and dampening strategies. Personality and Individual Differences, 49(5), 368‑373.
  8. Borelli, J. L., Rasmussen, H. F., Burkhart, M. L., & Sbarra, D. A. (2015). Relational savoring in long-distance romantic relationships. Journal of Social and Personal Relationships, 32(8), 1083‑1108.
  9. Pagani, A. F., Donato, S., Parise, M., Iafrate, R., Bertoni, A., & Schoebi, D. (2015). When good things happen : Explicit capitalization attempts of positive events promote intimate partners’ daily well-being. Family Science, 6(1), 119‑128.
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  12. Heller, A. S., van Reekum, C. M., Schaefer, S. M., Lapate, R. C., Radler, B. T., Ryff, C. D., & Davidson, R. J. (2013). Sustained Striatal Activity Predicts Eudaimonic Well-Being and Cortisol Output. Psychological Science, 24(11), 2191‑2200.
  13. Heller, A. S., Fox, A. S., Wing, E. K., McQuisition, K. M., Vack, N. J., & Davidson, R. J. (2015). The Neurodynamics of Affect in the Laboratory Predicts Persistence of Real-World Emotional Responses. Journal of Neuroscience, 35(29), 10503‑10509.
Bastien Wagener
WRITTEN BY

Bastien Wagener

Docteur en psychologie, je suis passionné à la fois par le développement personnel, mais aussi par la recherche sur les capacités et potentialités incroyables de l’être humain !
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