En parcourant les réseaux sociaux, on a parfois l’impression de subir de véritables injonctions au bonheur. Des ouvrages scientifiques aux petites maximes simplificatrices, le sujet est partout. A tel point qu’on a parfois l’impression qu’il faudrait être heureux en toutes circonstances. Toute déviation vis-à-vis de cet objectif signerait alors un échec criant, une vie “ratée”.
Comme pour les émotions, il est illusoire de penser qu’il n’y aurait de salut que pour ceux qui ne sont que dans le positif. Tout comme les émotions négatives ont leur utilité, les moments où nous ne sommes pas dans un état de joie ont leur intérêt et font partie de la vie. En réalité, le bonheur est un processus et non une destination à atteindre. Mais c’est un processus que l’on peut prendre en main. Le fait de travailler à son épanouissement personnel n’est donc pas quelque chose de vain ou d’impossible.
Néanmoins, avant de vouloir améliorer les choses, il faut déjà commencer par savoir ce qu’on entend exactement par “bonheur”. Si on ne sait pas ce que l’on cherche, il est difficile d’avancer… Le fait de définir cette notion rend également possible l’évaluation du bonheur, ce qui permet de quantifier notre progression.
C’est pour toutes ces raisons que je vous propose aujourd’hui d’explorer ce qu’on entend par “bonheur”, puis de et de mesurer scientifiquement votre niveau de bonheur via deux tests, disponibles dans cet article !
Qu’est-ce que le bonheur ?
Depuis quelques décennies, la psychologie (notamment via la psychologie positive) s’intéresse de nouveau à l’épanouissement des personnes, à la manière d’être heureux dans la vie. Mais comment définit-on le bonheur au juste ? Est-ce le fait de trouver l’amour ? De gagner beaucoup d’argent ? De s’éclater dans son travail ? D’atteindre des objectifs après avoir souffert et travaillé dur ? De prendre du plaisir au quotidien ?
En quelques lignes, on voit que le fait de trouver une définition universelle du bonheur est loin d’être chose aisée. D’ailleurs, il n’existe pas de consensus global sur le sujet dans la recherche. Néanmoins, certaines définitions sont majoritairement adoptées dans les travaux.
Commençons par une définition générale. Selon Snyder, Lopez et Pedrotti1, « le bonheur est un état émotionnel positif qui est défini subjectivement pour chaque personne ». On constate ici que deux aspects sont importants : le caractère positif des émotions, ainsi que la dimension subjective du bonheur. Cependant, contrairement à ce que cette première définition pourrait laisser penser, le terme de “bonheur” en tant que tel est en réalité assez peu utilisé dans la littérature scientifique. En effet, en fonction des cultures, des groupes sociaux et des individus, ce que l’on entend par « bonheur » peut grandement varier… C’est pourquoi les chercheurs préfèrent passer par d’autres termes, précisément définis, pour étudier la question.
La notion de bien-être subjectif
En raison de l’imprécision du mot “bonheur”, les scientifiques préfèrent parler de « bien-être subjectif ». Le bien-être subjectif possède deux aspects distincts, dont il est la résultante :
- les émotions positives (et l’absence d’émotions négatives)
- la satisfaction dans la vie (évaluation subjective de leur vie par les individus)
Ainsi, le bonheur est vu comme une chose possédant toujours une part de subjectivité. Il est à la fois lié à ce qu’une personne vit, mais également à la manière dont elle perçoit ce qu’elle vit (ou ne vit pas). Dès lors, même s’il est prouvé que certains comportements favorisent le bien-être, il existe toujours une part irréductible de subjectivité dans leurs effets. En creusant cette définition, la recherche montre également que le bien-être subjectif dépend de caractéristiques dites “positives” qui permettent à l’individu de surmonter aisément les tensions normales de la vie, d’accomplir un travail fructueux et de contribuer à la vie sociale de la communauté dont il fait partie.
Dès lors, parmi ces caractéristiques positive favorisant le bonheur, la recherche a identifié 6 grandes dimensions essentielles au bien-être psychologique, et donc à la satisfaction dans la vie2 :
- L’acceptation de soi
- La maîtrise de son environnement (le fait d’avoir un impact sur son environnement)
- Les relations sociales positives
- Les buts/objectifs de vie
- La croissance personnelle (le fait d’apprendre, d’évoluer, etc.)
- L’autonomie (le fait de ne pas être dépendant des autres)
À la lecture de ces dimensions, on constate assez rapidement que les leviers pour agir sur le bonheur sont multiples. Il est donc possible pour tout un chacun de trouver une ou deux portes d’entrée accessibles pour commencer à travailler à son épanouissement personnel. Et si vous passez souvent sur le blog, vous aurez reconnu dans cette liste des thématiques qui sont au cœur de la démarche de Se-réaliser.
Mesurer le bien-être subjectif
Quel que soit le terme retenu pour parler du bonheur, il faut être en capacité d’évaluer cette dimension pour pouvoir en mesurer la progression. Cette étape est indispensable pour vérifier que les actions mises en place pour améliorer son bien-être subjectif sont réellement efficaces.
Mais alors, comment évaluer le niveau de fonctionnement positif et de bien-être actuel des individus ? L’approche des forces de caractère, dont je parle régulièrement sur le blog, est un exemple de mesure indirecte. En effet, le fait de s’appuyer sur ses forces est une source de bien-être subjectif. On peut donc mesurer l’évolution du niveau d’utilisation des forces, lui-même lié au niveau de bien-être subjectif. Cependant, d’autres approches cherchent à mesurer directement le niveau actuel de bien-être, c’est-à-dire de bonheur, chez un individu donné.
Selon la définition du bien-être subjectif donnée plus haut, la recherche montre qu’il faut s’intéresser au moins à trois facteurs pour ce faire :
- Les affects négatifs (anxiété, dépression)
- Les affects positifs (motivation, détente, joie)
- La satisfaction dans la vie (plaisir éprouvé et sens perçu)
Deux tests pour évaluer votre bonheur
Maintenant que la notion de bonheur est un peu plus claire (même s’il y aurait encore beaucoup d’autres de choses à dire), passons aux choses sérieuses. Il existe de nombreuses dimensions et approches pour évaluer le bonheur, que ce soit de manière directe ou indirecte3. Je vous propose de nous focaliser sur l’essentiel avec deux échelles scientifiquement validées pour évaluer directement votre niveau de bien-être subjectif actuel.
- La première, l’échelle de satisfaction de vie, permet de poser un diagnostic simple et rapide sur le niveau de bonheur global.
- La seconde, l’échelle d’orientation vers le bonheur, se focalise plus sur la période actuelle, c’est-à-dire sur votre niveau de bonheur au moment de la passation du test. Elle rentre par ailleurs plus dans le détail en mesurant trois dimensions essentielles à l’épanouissement personnel.
L’échelle de satisfaction de vie
C’est une des plus anciennes échelles développées sur le sujet par les chercheurs. Elle a fait ses preuves depuis plusieurs décennies, et est largement utilisée dans de nombreux travaux francophones et anglophones. Ce questionnaire permet d’évaluer le niveau de satisfaction dans la vie d’un individu en quelques instants, en prenant en compte ses propres critères subjectifs. Bien évidemment, une mesure aussi rapide n’est qu’un point de départ pour améliorer son quotidien (même si elle reste scientifiquement valide). Malgré l’aspect global de l’évaluation, si vous passez le test dans une période difficile, les résultats seront nécessairement influencés par cet état émotionnel transitoire.
Pour rappel, la satisfaction dans la vie correspond à l’aspect évaluatif du bien-être subjectif. Le bien-être subjectif est défini par les émotions positives, les émotions négatives et cette composante “cognitive-évaluative”. C’est donc bien une évaluation globale de la qualité de vie d’une personne selon ses propres critères qui est proposée ici.
Source : Échelle de satisfaction dans la vie, version française.
L’échelle d’orientation vers le bonheur
Une vie heureuse, qui apporte de la satisfaction, implique que celle-ci soit à la fois source de plaisir, de sens et d’engagement. En réalité, ces trois aspects sont à l’origine de la satisfaction dans la vie, ainsi que des émotions ressenties. On rentre ainsi un peu plus dans le détail de ce qui “fait” le bonheur. Les auteurs du test des forces (Peterson et Seligman) ont justement conçu une échelle d’orientation vers le bonheur en 2005 selon cette définition. Une version française a été validée un peu plus tard5. C’est cette version que je vous propose ci-dessous :
Source : Échelle d’orientation vers le bonheur, version française.
Conclusions
Dans cet article, nous n’avons qu’effleuré la surface de la notion de bonheur. Il y a beaucoup de subtilités à explorer, que ce soit dans sa définition, ses composantes, son aspect maîtrisable… L’essentiel est de comprendre que le bonheur est un concept complexe, qui implique certes la notion de plaisir, mais également de sens et d‘engagement.
Concernant son évaluation, sachez que, quelque soient vos résultats, rien n’est figé. Encore une fois, le bonheur est un processus, et non un état “final” qu’on atteindrait une fois pour toute. De plus, sachez que l’on finit toujours par s‘habituer à nos conditions : c’est ce qu’on appelle l’habituation hédonique. Pour faire simple, une fois que vous gagnez plus, que vous êtes dans une relation de couple épanouissante ou que vous avez réalisé un projet professionnel important, vous allez vous habituer à ce nouveau “niveau” de bonheur.
Des pistes pour agir
Il est donc toujours possible de travailler à son épanouissement personnel, et c’est d’ailleurs une condition sine qua non pour être heureux, de manière relativement durable. Par ailleurs, même pour les plus zélés d’entre nous, il ne sera jamais possible de maîtriser tout ce qui nous arrive. Des coups durs et des moments difficiles se produiront… mais aucun “passage à vide” n’est jamais définitif. Les pistes sont nombreuses pour améliorer son état mental et son environnement, et les exemples de résilience ne manquent pas.
Quoi qu’il en soit, si vous souhaitez passer à l’action pour augmenter votre épanouissement personnel, voici une petite sélection de ressources du blog qui peuvent vous intéresser :
- Découvrir et travailler vos forces de caractère
- Identifier vos talents et vos stratégies de réussite
- Comprendre ce qui vous fait “vibrer” avec l’Ikigai
- Gérer votre stress, apprendre la relaxation ou la méditation
- Développer des projets qui ont du sens pour vous
- Mieux comprendre les émotions, l’état d’esprit, la motivation…
Bref, les pistes de travail sont très nombreuses ! Poser un état des lieux est une première étape, qui permet d’agir de manière plus efficace. Et si vous êtes actuellement plutôt heureux, faites-en profiter les autres. Le bonheur, comme les connaissances a tendance à se développer lorsqu’il est partagé. Alors n’hésitez pas à associer les autres à votre bonheur età votre quête d’épanouissement personnel !
Références
- Snyder, C. R., Lopez, S. J. & Pedrotti, J. T. (2011) Positive psychology: the scientific and practical explorations of human strengths. SAGE.
- Ryff, C. D. & Keyes, C. L. M. (1995). The structure of psychological well-being revisited. J. Pers. Soc. Psychol. 69, 719–727.
- Shankland, R., & Martin-Krumm, C. (2012). Évaluer le fonctionnement optimal : Échelles de psychologie positive validées en langue française. Pratiques Psychologiques, 18(2), 171‑187.
- Blais, M.R., Vallerand, R.J., Pelletier, L.G., Brière, N.M. (1989). L’échelle de satisfaction de vie : validation canadienne française du « Satisfaction With Life Scale ». Revue Canadienne des Sciences du Comportement, 21, 210–223.
- Martin-Krumm, C., Fontayne, P., Oger, M., Gautheur, S. (2010, 26-26 juin). Validation of a French Version of the Orientation to Happiness Questionnaire. Dans : Book of abstracts of the 5th European Conference on Positive Psychology. Copenhagen, Denmark.
Merci d’être passé(e) sur le site et d’avoir pris le temps de lire cet article ! J’espère que vous l’avez apprécié.
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Bonjour Bastien,
Et une fois de plus, tu as récidivé avec un article de haute volée tant sur le fond que sur la forme. Bravo à toi.
Ce qui doit nous rendre optimiste, me semble-t-il, est que quelles que soient nos conditions de vie et les événements qui nous arrivent nous pouvons toutes et tous parvenir à un niveau de bonheur (bien-être subjectif) satisfaisant. C’est à nous de jouer pour y parvenir.
A très bientôt.
Grégory du blog des sciences pour changer de vie
https://des-sciences-pour-changer-de-vie.com
Bonjour Grégory,
Merci beaucoup ! C’est clair, nous avons tous des marges de progression. Le tout est de les identifier et de trouver les bons outils pour progresser 🙂
A bientôt !
Bastien
Merci Bastien pour cette analyse sur le bonheur, cela montre combien le vrai bonheur réside dans le fait de trouver la joie en soi-même indépendamment des événements extérieurs
Merci pour ce commentaire Houria. C’est tout à fait juste : penser que le bonheur est uniquement quelque chose qui vient des autres ou de l’extérieur, et qui est donc hors de notre contrôle, est plutôt une recette pour être insatisfait. Le bonheur se travaille, y compris en apprenant à repérer le positif au quotidien 🙂