La visualisation, appelée aussi “imagerie mentale” , est un procédé utilisé dans de nombreux domaines, qu’il s’agisse du sport ou de la gestion de projets. Il n’est cependant pas toujours simple d’identifier la meilleure méthode pour faire ce travail. Heureusement, des travaux de recherche ont permis de dégager quelques principes généraux à respecter, en s’inspirant notamment de certaines pratiques de méditation et de relaxation. Cela a abouti à la formulation de l’approche PETTLEP, qui permet d’optimiser n’importe quelle visualisation pour la rendre bien plus efficace. Je vous propose de la découvrir dans cet article.
Les bénéfices de la visualisation
Avant de détailler cette méthode, voyons rapidement en quoi l’imagerie mentale peut être utile au quotidien. Tout d’abord, il faut noter que la force de cette démarche vient du fait qu’elle sollicite le cerveau de la même manière que des actions réelles, mais de façon atténuée1. Et à activation similaire, effets similaires. L’amélioration de la performance liée à la visualisation serait ainsi la conséquence d’une réorganisation corticale analogue à celle qui se produit lorsqu’on agit physiquement2.
L’aspect “simulation” du procédé explique également son impact, notamment en ce qui concerne la dimension émotionnelle. De fait, l’imagerie mentale a un effet bien plus marqué sur les émotions (positives et négatives) que le traitement verbal des mêmes informations3. Quand on visualise, on a presque l’impression de vivre les choses, et le ressenti est ainsi analogue à celui que l’on éprouve en situation réelle. On peut d’ailleurs le mesurer et l’observer très facilement chez les personnes qui sont en train de visualiser.
La pratique de l’imagerie mentale, accessible à tout un chacun, apporte donc de nombreux bénéfices à travers ses différents usages2,4 :
- Facilitation de l’apprentissage moteur
- Augmentation de la force physique
- Régulation de l’anxiété et du stress (relaxation)
- Gestion de la douleur et récupération
- Augmentation de la concentration (via le travail sur l’attention)
- Développement de la confiance en soi, du sentiment d’efficacité personnelle et de la motivation
Autant de bonnes raisons de se mettre à la visualisation. Mais revenons au cœur du sujet de ce billet, l’approche PETTLEP.
Une approche issue de la préparation physique
Dans la préparation sportive, la visualisation est utilisée depuis très longtemps. Et pour aider les entraîneurs, rééducateurs et athlètes à optimiser leur utilisation de l’imagerie mentale, des chercheurs ont développé le modèle PETTLEP1. Celui-ci permet de préparer les séances de visualisation en intégrant à la fois les éléments relatifs à la tâche, mais aussi les états internes du sujet. Ainsi, on se rapproche au maximum de ce qui se passe en situation réelle. Mieux encore, cette approche est tout autant utile pour les tâches qui impliquent de grands groupes musculaires, que pour des tâches plus « cognitives » , c’est-à-dire qui impliquent de nombreuses prises de décisions avec un aspect moteur plus restreint (ex : conduite, jeux vidéo, etc.).
La visualisation PETTLEP permet ainsi de s’améliorer davantage que l’imagerie mentale « classique », moins précise. Elle peut même être aussi efficace que la pratique réelle pour des tâches cognitives quand on dispose d’un délai court pour progresser. Si le temps restant avant une échéance est trop restreint pour commencer à provoquer des changements physiques conséquents, il vaut ainsi mieux visualiser que de tenter de réaliser directement la tâche cible5.
7 dimensions essentielles
L’acronyme PETTLEP signifie « Physical » (physique), « Environmental » (environnement), « Task » (tâche), « Timing » (temporalité), « Learning » (apprentissage), « Emotion » (émotion) et « Perspective » (perspective). Le tableau ci-dessous présente plus en détail chacune de ces dimensions. J’y ai ajouté quelques questions afin de vous aider à approfondir chacune d’entre elles pendant vos séances :
Dimensions |
Contenu |
Comment l’explorer |
Physique |
Imaginer la position de son corps, statique ou en mouvement dans la situation finale. On adoptera de préférence une posture proche de la situation réelle pendant la séance de visualisation. | Dans quelle position suis-je ? Est-ce que je bouge, est-ce que je me déplace ? |
Environnement |
Imaginer l’environnement de manière complète et multisensorielle (images, sons, sensations kinesthésiques, odeurs, goûts éventuels). | Où suis-je ? Qui y a-t-il à voir, à entendre, à sentir, etc. ? Qui est là ? |
Tâche |
Activer et utiliser les connaissances qu’on a de la tâche et ce que cela implique (ce qu’il y a à faire, les personnes impliquées, ce qui se passe). | Qu’est-ce que je fais ? Est-ce que je fais les choses seul ? Comment fais-je ce que je fais ? |
Temporalité |
Prendre le temps de voir les actions se dérouler étape par étape. Se caler sur la durée et le timing de la situation réelle, sauf pour le travail sur des mouvements nouveaux, qui peuvent bénéficier du “slow motion” (ralenti). | Quand la scène se déroule-t-elle ? Combien de temps dure-t-elle ? Quelles en sont les étapes ? |
L’apprentissage
|
Prendre en compte ce qu’on a appris sur la tâche et ajuster la visualisation en conséquence au fil des séances. | Qu’ai-je appris que je ne savais pas auparavant ? Qu’est-ce qui a changé ? Qu’est-ce que je sais faire de nouveau ? Comment ai-je évolué ? |
Émotions |
Inclure les émotions qu’on éprouverait si la situation était réelle, que celles-ci soient positives ou non. | Qu’est-ce que je ressens ? |
Perspective |
La perspective subjective (associée) est à préférer lorsqu’on travaille un mouvement, alors que la visualisation d’un point de vue externe (dissociée) est préférable pour les situations plus complexes. L’efficacité de chaque perspective dépend aussi des préférences personnelles. | Comment la scène se déroule-t-elle vue de l’extérieur ? Comment la scène se déroule-t-elle de manière subjective ? |
En découvrant tous les éléments à prendre en compte, vous avez dû comprendre qu’il fallait construire un script et des images avant même de se lancer pour pratiquer la visualisation de manière efficace. Les images évoquées doivent en effet être suffisamment précises pour porter leurs fruits. Un travail préparatoire facilite également la stabilisation des situations visualisées, ce qui est indispensable pour tirer pleinement profit de cette pratique.
Appliquer la méthode PETTLEP pour tous vos projets
Dans le cadre de projets, les principes d’une visualisation efficace restent inchangés. Il s’agit d’être précis, d’utiliser autant de modalités sensorielles que possible, et d’intégrer l’environnement et les états internes (émotions, motivations, etc.) à chaque séance.
Une première manière d’utiliser la visualisation dans ce cadre est d’imaginer la situation finale, l’aboutissement du projet. Nous la visualisons en réalité toujours spontanément et de manière fugace, quel que soit le projet auquel on pense. Quand on organise une sortie au restaurant, un week-end entre amis, des vacances en famille ou qu’on prépare une présentation importante au travail, on imagine de manière plus ou moins détaillée le résultat attendu (ou redouté). Ce processus naturel est automatique, mais insuffisamment précis pour être pleinement efficace. De plus, cette visualisation spontanée peut-être sujette à des déformations liées aux habitudes, appréhensions, peurs ou enthousiasmes excessifs.
Il s’agit donc de prendre le temps d’imaginer pleinement son objectif, de se projeter dans la situation avec méthode pour clarifier les choses. Cette démarche permet ainsi d’optimiser un plan d’action et de générer des motivations mieux ancrées dans le réel. Elle fournit par ailleurs souvent de nombreuses idées pour parvenir à réaliser concrètement un but. En cours de projet, la visualisation PETTLEP est également utile car elle fournit de bons indicateurs subjectifs et émotionnels d’avancement vers l’objectif final.
Mettre en place une séance de visualisation
Plutôt que de vous lancer tête baissée dans une séance, je vous invite encore une fois à réfléchir aux différents éléments de votre visualisation avant même de démarrer. Une fois cette phase préparatoire terminée, suivez les étapes listées ci-dessous pour effectuer la séance de visualisation en tant que telle.
1. La position
Installez-vous dans une position proche de celle de l’exécution du mouvement ou de celle que vous auriez dans le cadre du travail sur votre projet.
2. L’environnement
Imaginez votre environnement avec autant de détails que possible.
3. La tâche et la temporalité
Visualisez le mouvement ou l’action. Si vous utilisez la visualisation dans le sport ou pour toute autre tâche manuelle, échauffez-vous mentalement au préalable.
De la position de départ à la position d’arrivée, imaginez le film mental de l’action à réaliser en la vivant, comme si vous l’exécutiez réellement. Visualisez l’action avec un niveau de détail élevé tout au long de l’exécution. Focalisez-vous sur les sensations kinesthésiques, mais aussi sur les dimensions visuelle et auditive pour que l’image mentale soit vive et réaliste. N’oubliez pas d’intégrer l’aspect émotionnel.
Interrompez-vous si quelque chose ne convient pas dans votre exécution mentale. Mettez le film en pause, rembobinez-le et reprenez votre travail avec un déroulement correct. Faites les modifications nécessaires.
Attention à ne pas vouloir aller trop vite. Si vous pensez avoir fait le tour de la situation en 30 secondes, c’est probablement que vous n’avez pas assez exploré la scène visualisée.
4. La perspective
Pour un mouvement très simple, la visualisation d’un point de vue interne/associé (s’imaginer en train d’exécuter le mouvement) semble plus efficace selon la recherche. Pour un enchaînement plus complexe, la visualisation interne ou la visualisation externe/dissociée (se voir en train d’exécuter le mouvement de l’extérieur) sont à utiliser en fonction de vos préférences. Notez toutefois que dans le cadre de projets, la visualisation dissociée est à privilégier, car elle permet généralement de mieux intégrer le vécu de l’imagerie, de lui donner plus de sens et plus d’impact6.
5. Approfondir et affiner la pratique
Si vous cherchez à travailler un mouvement ou une compétence, faites des séries, soit au cours de la même séance, soit en visualisant la même situation à chaque séance. Adaptez la difficulté à chaque fois que vous progressez. S’il s’agit d’un projet, n’hésitez pas à faire plusieurs séances pour affiner le contenu de votre visualisation.
À quelle fréquence faut-il visualiser ?
Comme pour toute pratique, la régularité est un critère central de réussite. En ce qui concerne la visualisation pour un mouvement sportif, un geste technique ou une tâche précise, il faudra donc intégrer cette démarche à votre programme d’entraînement. Préférez toujours plusieurs séances courtes par semaine à une unique visualisation très longue, plus éprouvante et moins efficace. Je vous invite également à noter vos sensations et progressions sur un carnet pour suivre l’évolution des interactions entre pratique mentale et physique.
Dans le cadre d’un projet, nous l’avons vu, on pourra réaliser plusieurs séances à des moments clés de préparation ou de bilan. Il est cependant inutile de faire des séances à une fréquence très élevée dans ce cas de figure. L’imagerie mentale peut toutefois être utilisée pour se motiver et augmenter l’efficacité. En se préparant mentalement grâce à la visualisation lors d’étapes charnières, on obtient des éléments concrets pour se mettre au travail de manière adaptée. Dans ce cadre bien précis, cet outil peut être utilisé autant que nécessaire. Et plus on utilise la visualisation, plus il est facile d’imaginer les situations voulues avec de riches détails.
Sachez enfin qu’il est également possible de coucher sa visualisation sur papier. Dans le cadre d’un projet, garder une trace des séances fournit un matériau précieux pour de futures étapes d’exploration et de planification.
Améliorer sa pratique
Comme dans le cas de la méditation, l’attention et la focalisation s’améliorent en pratiquant l’imagerie mentale. Au début, les pensées parasites sont souvent nombreuses. C’est pourquoi il vaut mieux visualiser par petites périodes en prenant des pauses dans les premiers temps. En procédant de cette manière, les pensées et l’attention seront plus aisément focalisées sur l’action mentale à effectuer. On conseille par ailleurs de commencer la pratique de visualisation par le travail sur des mouvements ou des situations relativement simples pour les mêmes raisons. En effet, plus le mouvement est complexe, plus il peut être difficile de le visualiser de manière claire et détaillée pour un débutant.
Au fur et à mesure de l’amélioration de la concentration, on peut bien sûr augmenter la durée et la complexité de la pratique. Si vous souhaitez avancer plus vite et travailler vos capacités attentionnelles, vous pouvez également mettre en place des séances de méditation focalisées sur le souffle, en parallèle de la visualisation. Certaines pratiques de relaxation comme le training autogène sont tout aussi pertinentes pour faire ce travail.
En clair, tout ce qui peut vous aider à focaliser votre attention sur des représentations mentales détaillées pendant un certain laps de temps vous aidera à tirer un maximum de bénéfices de la visualisation.
Conclusions
Que vos objectifs relèvent de la préparation physique, du développement d’une compétence précise ou de la gestion de projet, la visualisation est un outil qui mérite d’être exploré. La méthode PETTLEP est sans doute une de ses versions les plus abouties, et les plus solides. N’hésitez donc pas à la tester pour augmenter votre efficacité et vos progrès dans tous les domaines !
Références
- Holmes, P. S. & Collins, D. J. The PETTLEP Approach to Motor Imagery: A Functional Equivalence Model for Sport Psychologists. J. Appl. Sport Psychol. 13, 60–83 (2001).
- Lebon, F. Efficience du travail mental sur le développement et le recouvrement des capacités motrices – force musculaire et imagerie motrice. (Claude Bernard – Lyon I, 2009).
- Renner, F., Murphy, F. C., Ji, J. L., Manly, T. & Holmes, E. A. Mental imagery as a “motivational amplifier” to promote activities. Behav. Res. Ther. 114, 51–59 (2019).
- Abdin, J. M. Imagery for sport performance: a comprehensive literature review. (Ball State University, 2010).
- Wright, C. J. & Smith, D. K. The Effect of a Short-term PETTLEP Imagery Intervention on a Cognitive Task. J. Imag. Res. Sport Phys. Act. 2, (2007).
- Vasquez, N. A. & Buehler, R. Seeing Future Success: Does Imagery Perspective Influence Achievement Motivation? Pers. Soc. Psychol. Bull. 33, 1392–1405 (2007).
Merci d’être passé(e) sur le site et d’avoir pris le temps de lire cet article ! J’espère que vous l’avez apprécié.
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